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CONTES SECRETS RUSSES

L’ecclésiastique se mit en route avec sa charrette. Au devant de lui se présenta un jeune homme qui cheminait pédestrement. « Bonjour, batouchka ! — Bonjour, mon ami ! Où vas-tu ? — Je voudrais me louer comme ouvrier, batouchka. — Et moi, mon cher, justement je cherche un ouvrier ; veux-tu entrer à mon service ? — Volontiers, batouchka. — Seulement, c’est à une condition : il faut, mon cher, que tu t’abstiennes de toute parole déshonnête. — Batouchka, je n’en ai même jamais entendu prononcer depuis que j’existe. — Eh bien ! prends place à côté de moi, tu es l’homme qu’il me faut. » Une jument était attelée à la charrette ; le pope lui releva la queue et montrant avec son fouet la vulve de la jument : « Qu’est-ce que c’est que cela, mon cher ? — C’est un κον, batouchka. — Eh bien, mon cher, je n’ai pas besoin de gens aussi mal embouchés ; va où tu veux ![1] » Le gars vit qu’il avait lâché une sottise, mais le mal était fait ; il descendit de la charrette et se mit à chercher par quelle ruse il pourrait jobarder le pope. Prenant un chemin de traverse, il devança l’équipage du batouchka, qui

  1. Variante. — Le gars répondit naïvement : « En haut c’est un κυλ, et en bas un κον. — Eh bien ! mon ami, descends de la charrette et va te faire φουτρε. Je ne puis pas te ramener chez moi, ma femme ne nous laisserait pas entrer : elle déteste mortellement les gens qui disent des paroles ordurières. »