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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/130

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CONTES SECRETS RUSSES

— « Il n’y a pas lieu de m’injurier ; le batouchka veut que vous vous dépêchiez, parce que je ne puis pas poser ici : il faut que je bêche les plates-bandes, Si vous ne me croyez pas, demandez-le-lui vous-mêmes. »

L’une des deux sœurs s’élança aussitôt sur le perron. « Batouchka ! » cria-t-elle, « vous avez ordonné de donner ça à l’ouvrier ? — Donnez-lui vite, pourquoi le retenez-vous là ? — Eh bien ! ma sœur, » dit la jeune fille quand elle fut rentrée dans la chambre, « il n’y a rien à faire, il faut lui donner, notre père l’a ordonné. » Alors elles se couchèrent toutes deux, et l’ouvrier fit d’elles ce qu’il voulut. Ensuite il prit une pelle dans le vestibule, et courut au potager où son maître l’attendait. Après avoir montré à l’ouvrier comment on bêche des plates-bandes, le pope revint à la maison avec sa femme, et y trouva ses filles tout en larmes. « Pourquoi pleurez-vous ? — Comment ne pleurerions-nous pas, batouchka ? Tu nous as toi-même livrées aux outrages de l’ouvrier. — Comment, à ses outrages ? — Mais oui, tu nous a ordonné de lui donner… — Eh bien ! quoi ? j’ai ordonné de lui donner une pelle. — Comment, une pelle ? Il nous a déshonorées toutes deux, il nous a fait perdre notre innocence. »

En entendant ces paroles, le pope entra dans une violente colère ; il saisit un pieu et courut droit au potager. L’ouvrier n’augura rien de bon, quand