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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/152

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CONTES SECRETS RUSSES

fiait qu’au chien : chaque fois qu’il s’absentait, il lui pendait toujours ses clés au cou.

Mais, au bout de quelque temps, l’animal tomba malade et mourut. Le paysan imagina de lui faire rendre les honneurs funèbres. Il prit cinq mille roubles et alla trouver le pope. « Batouchka, mon chien est mort, et il t’a légué cinq mille roubles à condition que tu l’enterres selon le rite chrétien. — Allons, c’est bien, mon cher ! Il n’est pas permis de le porter à l’église, mais on peut l’enterrer. Prépare-toi, j’irai demain procéder à la levée du corps. » Le moujik fit un cercueil et y plaça le chien ; le lendemain matin arriva le pope accompagné du diacre et des chantres ; tous étaient revêtus des ornements sacerdotaux ; ils célébrèrent l’office des morts, portèrent le chien au cimetière et le déposèrent dans une fosse. Force fut au pope de prélever la part de son clergé sur la somme qu’il avait reçue du moujik, mais il fit si mesquinement les choses que les chantres, par esprit de vengeance, le dénoncèrent à l’évêque comme ayant donné la sépulture chrétienne à un chien. Le prélat cita le pope à son tribunal. « Comment as-tu osé, » lui dit-il, « enterrer un misérable chien ? » et il le mit aux arrêts. Alors le paysan prit dix mille roubles et se rendit à l’évêché pour obtenir la libération du pope. « Qu’est-ce que tu viens faire ? » lui demanda l’évêque. — « Mon chien est mort, » répondit le moujik ; « il a légué dix mille roubles à Votre Grandeur et cinq mille au pope. — Oui, mon