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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/205

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CONTES SECRETS RUSSES

page d’un barine qui allait en sens inverse. « Va dire à ce moujik d’arrêter, » ordonna le gentilhomme à son laquais, « et demande-lui pourquoi il a fait prendre un pareil trot à ses bêtes. » Le laquais courut en avant et cria : « Eh ! moujik, arrête, arrête ! » Le paysan obéit. « Mon maître veut savoir pourquoi tu vas si vite. — C’est que je fais la chasse à des diables, voilà pourquoi j’ai lancé mon attelage au grand trot. — En as-tu déjà pris seulement un, moujik ? — Oui, j’en ai pris un et j’en poursuivais un autre quand tu es venu me déranger, maintenant je ne pourrai plus le rattraper ! » Lorsque le laquais eut rapporté ces paroles à son maître, celui-ci s’approcha aussitôt du paysan : « Montre-moi, mon ami, le diable que tu as pris, je n’en ai jamais vu de ma vie. — Donne-moi cent roubles, barine, et je te le montrerai. — Bien. » Le gentilhomme ayant donné les cent roubles, le moujik ouvrit son coffre et lui en fit voir le contenu : le pope gisait là, tout meurtri, tout barbouillé de suie, les cheveux en désordre. « Ah ! qu’il est affreux, » observa le barine, « c’est vraiment un diable ! il a les cheveux longs et la peau noire, les yeux lui sortent de la tête ! » Ensuite le moujik referma le coffre et continua sa route.

Arrivé à la ville, il s’arrêta sur le champ de foire. « Qu’est-ce que tu vends, moujik ? » lui demanda-t-on. — Un diable, » répondit-il. — « Et combien le fais-tu ? — Mille roubles. — Pas moins ? —