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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/204

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CONTES SECRETS RUSSES

l’eau-de-vie. » Après avoir bu un petit verre, le pope, ne pouvant plus y tenir, ôta sa soutane, ses chausses et ses bottes ; mais, au moment où il va se mettre au lit, on frappe tout à coup à la porte. « Qu’est-ce qui cogne ainsi, matouchka ? » demanda le pope effrayé. — « Ah ! batouchka, c’est mon mari qui est revenu ; sans doute il a oublié quelque chose ! — Mais où me cacherai-je, ma chère ? — Tiens, il y a là dans le coin un coffre vide, fourre-toi dedans. » Le pope se réfugia aussitôt dans cette cachette et tomba en plein dans la suie ; il s’étendit là, plus mort que vif. La paysanne se hâta de rabattre le couvercle et donna un tour de clé. Le moujik entra dans l’izba. « Pourquoi es-tu revenu ? lui demanda sa femme. — « J’avais oublié de prendre le coffre à la suie ; je trouverai peut-être à le vendre à la foire ; aide-moi à le charger sur la voiture. » Les deux époux soulevèrent le coffre qui contenait le pope et se mirent en devoir de le traîner hors de l’izba. « Pourquoi est-il si lourd ? » dit le mari, « je le croyais entièrement vide et il a un rude poids ! » Tandis qu’il trimbalait le pesant colis, lui-même faisait exprès de le heurter tantôt contre le mur, tantôt contre la porte. « Eh bien ! je suis tombé dans un fameux traquenard ! » pensait le pope ainsi cahoté. À la fin, le coffre fut hissé dans la voiture, le paysan s’assit dessus et se mit en route pour la ville.

Dès qu’il eut fouetté les chevaux, ceux-ci partirent ventre à terre. Chemin faisant, apparut l’équi-