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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/209

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CONTES SECRETS RUSSES

la nuit et j’ai consenti à l’héberger. — Allons, la maîtresse, sers le souper et ensuite nous nous coucherons ; demain, il faut que je me lève de bonne heure pour aller labourer. » Le paysan se mit à table et commença à manger avec avidité. « Tu boirais peut-être bien un peu d’eau-de-vie ? » lui dit sa femme. — « Mais est-ce qu’il y en a ? — Oui, j’ai été aujourd’hui chez ma mère, elle m’en a donné toute une bouteille. » Le paysan but force rasades, puis il dit au pope : « Mets-toi là, pays, et soupe avec nous. » L’ecclésiastique prit place à table et resta silencieux. « Eh ! femme, il demande l’aumône, sa barbe couvre tout son visage et il est honteux de paraître devant les gens, vois comme il a peur ! Donne donc des ciseaux, je vais le raser ! » La femme apporta les ciseaux et le paysan coupa la barbe du pope au ras de la peau. Quelque temps après, une nouvelle idée lui vint. « Eh ! la maîtresse, » dit-il, « va chez la femme du pope et prie-la de venir manger un morceau avec nous ; c’est une brave femme, on peut la régaler. » La paysanne courut au presbytère ; la popadia, enchantée de l’invitation, quitta aussitôt son lit, s’habilla et se rendit chez le moujik. « Pourquoi n’es-tu pas arrivée plus tôt, matouchka ? » lui demanda-t-il. — « Eh ! sans doute tu sais toi-même ce qu’il faut de temps à la femme d’un pope pour faire sa toilette : pendant qu’elle se lave et s’habille, un bon moujik peut faire dix verstes. — Allons, assieds-toi, matouchka, et soupe avec nous à la