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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/236

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CONTES SECRETS RUSSES

le visage ruisselant de sueur, il se résigna à attendre.

Voilà que le chariot pénètre dans le champ du voisin. « Allons, mon frère, » dit Lavr, « fais-moi le plaisir d’arrêter les chevaux, je ne puis plus y tenir, c’est un besoin plus fort que moi ! — Que tu es bête ! » réplique Gritzka, « tu te mettrais dans de beaux draps ! Pourquoi ne m’as-tu pas dit cela quand nous traversions notre champ ? Là, tu n’aurais pas eu à te gêner. Mais maintenant ce n’est plus ça, tu sais toi-même qu’il n’est pas permis de déposer des immondices sur les terres d’autrui. D’ailleurs quelque diable peut nous apercevoir, il nous battra tous les deux et il emmènera nos chevaux. Retiens-toi un moment ; quand nous arriverons dans la cour de ton beau-père, saute en bas du chariot et va droit au privé, là tu pourras te soulager ; moi, pendant ce temps-là je détellerai les chevaux. » Lavr reste dans le chariot et ronge son frein.

Les voici arrivés au village, ils entrent dans la cour du beau-père ; tout près de la grand’porte la mère de la fiancée accueille son futur gendre par les mots : « Bonjour, mon fils, mon chéri ! Nous t’attendions depuis longtemps déjà ! » Sans proférer une parole, le fiancé sauta à terre et fila vers le privé. Pensant qu’il était intimidé, la vieille le saisit par le bras et lui dit : « Pourquoi es-tu honteux, mon fils ? Que Dieu t’assiste, n’aie pas peur, il n’y a chez nous aucun étranger, je te