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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/264

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CONTES SECRETS RUSSES

toi ? — Environ quinze cents roubles. » À ces mots, peu s’en fallut que le pope ne sautât de joie. « Écoute », dit-il, « faisons un pari. Mange et bois tout ton saoul chez moi, mais pendant vingt-quatre heures ne satisfais aucun besoin ; si tu remplis cette condition, je te paierai quinze cents roubles ; si tu y manques, c’est toi qui me les paieras. Ça va-t-il ? — Soit, batouchka ! » Le paysan se mit à table et commença à se régaler ; le pope ne lui avait pas plus tôt apporté à boire et à manger qu’aliments et boissons étaient absorbés ; après s’être gorgé de nourriture et de liquides, le paysan roula par terre et s’endormit ; le pope l’enferma.

La nuit le moujik s’éveilla ; pris d’une violente envie de χιερ, il voulut enfoncer la porte, mais celle-ci résista à tous ses efforts. Le moujik aperçut, pendu à un clou, le gros bonnet du pope, il le prit, le remplit plus qu’à moitié, puis le remit à sa place et se recoucha.

Les vingt-quatre heures s’étant écoulées, notre homme cogna à la porte : « Ouvre, batouchka ! » Le pope ouvrit, promena ses regards autour de lui et ne vit de déjections nulle part. Alors le paysan le pressa de s’exécuter. L’ecclésiastique fit la grimace, mais force lui fut de payer quinze cents roubles. « Comment t’appelle-t-on, maudit ? » demanda-t-il, « je ne te laisserai pas partir avant de le savoir. — On m’appelle Kakofii, batouchka ! » répondit le moujik ; il prit son argent et s’en alla. Resté seul, le pope devint pensif : il regrettait ses quinze cents