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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/38

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CONTES SECRETS RUSSES

ger des beignets. Elle quitta le clos en y laissant le cheval et la herse. « Puisque je vais revenir, ils peuvent bien rester là, » pense-t-elle. Mais le voisin avait un fils qui était un imbécile. Depuis longtemps ce garçon avait des vues sur la jeune fille et il ne savait comment arriver à ses fins. Ayant aperçu le cheval et la herse, il franchit la haie, détela l’animal et l’emmena dans son clos ; la herse, il la laissa à sa place, mais il prit les limons, les fit passer à travers la haie et remit le cheval au brancard. Grande fut la surprise de la paysanne quand elle revint dans son clos : « Qu’est-ce que cela veut dire ? La herse est d’un côté et le cheval de l’autre ? » Elle commença à allonger des coups de fouet à sa rosse : « Quel diable t’a emmené ? Tu as su sortir du clos, tu sauras bien y rentrer ; allons, allons, arrive ! » Le jeune homme l’écoutait en riant. « Si tu veux, je t’aiderai, » dit-il, « seulement permets-moi… — Soit, » répondit la rusée jeune fille. Elle avait remarqué par terre une vieille tête de brochet qui traînait là avec la bouche béante ; elle la ramassa et la fourra dans sa manche. « Je n’irai pas près de toi, » dit-elle au jeune homme, ne viens pas non plus ici, il ne faut pas qu’on nous voie ; passe-moi plutôt ton affaire à travers la haie et je la mettrai où tu sais. » Le gars s’empressa de faire ce qu’on lui disait ; la jeune fille prit la tête de brochet et, après en avoir écarté les mâchoires, y introduisit l’objet qui lui était présenté. Sentant une douleur cruelle, le jeune homme re-