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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/78

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CONTES SECRETS RUSSES

mailles, donnèrent une façon à leurs champs et retournèrent chez eux.

Quand les pluies du printemps eurent arrosé le sol, le seigle du premier paysan leva dru et fort, mais dans le champ voisin il ne poussa que des υιτς, leurs têtes rouges occupaient toute une dessiatine ; on ne pouvait mettre le pied nulle part, c’étaient partout des υιτς ! Les deux paysans vinrent voir si leurs seigles étaient levés. L’un d’eux éprouva une vive satisfaction à la vue de son champ, mais l’autre sentit son cœur défaillir. « Que ferai-je maintenant avec de pareils diables ? » pensa-t-il.

Arriva l’époque de la moisson. Les deux moujiks retournèrent sur la campagne, l’un se mit à faucher son seigle ; l’autre, au premier coup d’œil jeté sur son champ, constata que les υιτς dont il était couvert avaient atteint la hauteur d’une archine et demie ; à voir leurs têtes rouges dressées en l’air, on aurait dit des fleurs de coquelicot. Après avoir longuement considéré ce spectacle, le paysan reprit le chemin de sa demeure. Arrivé chez lui, son premier soin fut de chercher un couteau et de l’aiguiser ; il se munit aussi de fil et de papier, puis il retourna dans son champ. Là, il commença à couper tous les υιτς, il les enveloppa deux par deux dans du papier, noua un fil autour de chaque paquet et les mit dans sa charrette pour les aller vendre à la ville. « Oui, » se dit-il, « je vais les offrir en vente là ; il se trouvera peut-être quelque sotte pour en acheter une couple ! »