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CONTES SECRETS RUSSES


XXXV

LES DEUX ÉPOUSES


Deux marchands vivaient dans une étroite amitié. Ils étaient tous deux mariés, et un jour l’un d’eux dit à l’autre : « Écoute, mon ami ! Faisons une expérience pour savoir laquelle de nos femmes aime le mieux son mari. — Soit, mais comment nous assurer de cela ? — Voici : partons pour la foire de Makarieff, et celle de nos femmes qui pleurera le plus sera celle qui aime le plus son mari. » Ils firent leurs préparatifs de départ et, quand ils se séparèrent de leurs épouses, l’une d’elles versa un torrent de larmes, tandis que l’autre se montra fort gaie. Les marchands partirent pour la foire ; après qu’ils eurent fait cinquante verstes, l’un des voyageurs dit à son compagnon : « Comme ta femme t’aime, comme elle a pleuré en te disant adieu ! La mienne, au contraire, n’a fait que rire ! — J’ai une idée, mon ami, » proposa l’autre, « à présent que nos femmes nous croient en route pour la foire, retournons chez nous et ainsi nous saurons ce que nos femmes font en notre absence. — Bien ! »

Il était nuit quand ils rentrèrent à la ville. Ils se dirigèrent d’abord vers la demeure du marchand