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Page:Contes secrets Russes, 1891.djvu/100

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CONTES SECRETS RUSSES

dont l’épouse avait tant pleuré au moment des adieux, et voici ce qu’ils virent en regardant à la fenêtre : la femme était en train de s’amuser avec un amant. Celui-ci remplit un verre d’eau-de-vie, le porta à ses lèvres, puis le présenta à l’épouse infidèle : « Tiens, bois, ma chère ! » Elle but à son tour et dit : « Mon cher ami ! Maintenant je suis à toi. — Quelle bêtise, toute à moi ! Il y a bien aussi quelque chose qui est à ton mari ! » Elle répondit en lui montrant son derrière : « Voilà ce qui est à ce fils de putain : rien que mon κυλ ! »

Après avoir été témoins de cette scène, les marchands allèrent voir comment les choses se passaient chez la femme qui avait ri lors du départ de son époux ; en levant les yeux vers la fenêtre, ils aperçurent une lampe allumée devant l’icone ; la femme était à genoux et priait avec ferveur : « Seigneur, » disait-elle, « accorde à mon mari un heureux retour ! » « Eh bien ! voilà, » fit un des marchands ; « maintenant, allons à la foire. »

Ils se rendirent à la ville, où ils firent d’excellentes affaires : jamais ils n’avaient eu tant de bonheur ! Quand ils furent sur le point de retourner chez eux, l’idée leur vint de rapporter des cadeaux à leurs femmes. Le marchand qui avait surpris son épouse en prière, lui acheta du brocart pour en faire un manteau. L’autre acheta aussi de cette étoffe, mais seulement pour le κυλ. « Puisque le κυλ seul est à moi, je n’ai besoin que d’une demi-aune : je ne veux pas que mon κυλ soit mal vêtu. » De retour