Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/106

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devenir sentimental, lorsqu’il vit entrer dans la cour la voiture de la douairière qui arrivait avec Catherine.

— Peste soit de la mère Chatterton ! pensa John. Oh ! Grace, reprit-il, voilà déjà votre mère et votre sœur. — Déjà ! dit la jeune fille, et pour la première fois de sa vie elle fut presque fâchée de voir arriver sa mère ; en effet, elle eût eu autant de plaisir à l’embrasser cinq minutes plus tard, et elle eût tant désiré d’entendre ce que John allait dire, car son changement de voix lui prouvait bien que lorsqu’il avait dit pour la première fois : Oh ! Grace ! ce n’était pas avec l’intention de lui parle de la douairière.

Le jeune Moseley et sa fille causant à une fenêtre ouverte attirèrent l’attention de lady Chatterton, dès qu’elle aperçut le presbytère, et elle y entra avec un sentiment de plaisir qu’elle n’avait pas ressenti depuis le désappointement qui avait suivi ses derniers efforts pour marier Catherine.

Le jeune homme à la poursuite duquel elle avait entrepris son expédition avait été enlevé par un corsaire plus adroit, agissant pour son propre compte, et soutenu par un peu plus d’esprit et beaucoup plus d’argent que Catherine n’en pourrait jamais posséder. Comme de ce côté il ne se présentait plus aucun champ à ses spéculations matrimoniales, la douairière avait dirigé la tête de ses chevaux vers Londres, ce grand théâtre si convenable pour faire valoir ses talents.

À peine avait-elle salué le reste de la compagnie, qu’elle se tourna vers John, et s’écria, en lui adressant un sourire qu’elle cherchait à rendre maternel : — Vous n’avez point profité d’un aussi beau jour pour la chasse, monsieur Moseley ? je croyais que vous n’en perdiez aucun dans cette saison.

— Il est encore trop tôt, Milady, dit John froidement, alarmé de l’air de triomphe qu’elle prenait.

— Oh ! je vois ce que c’est, continua-t-elle sur le même ton ; les dames ont trop d’attraits pour un jeune homme aussi galant que vous. Or, Grace était la seule dame qu’on pût supposer avoir quelque influence sur les actions de John, car les jeunes gens ont ordinairement moins de plaisir à se trouver avec leurs sœurs qu’avec celles des autres ; et cette insinuation était trop maladroite pour que Grace et John n’en fussent point choqués.

Ce dernier répondit froidement : — Je ne savais pas que le