Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/107

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temps fût aussi beau ; je vous remercie de me l’avoir fait remarquer, et je vais voir s’il est favorable pour la chasse. Cinq minutes après, Carlo et Rover faisaient retentir les environs de leur joie bruyante.

Grace reprit sa place à la croisée, jusqu’à ce que la porte fût fermée, et que l’épaisseur des arbres cachât les chasseurs à sa vue ; alors elle s’enfuit dans sa chambre, et se soulagea par un torrent de larmes.

Si Grace, avec une mère de ce caractère, avait été moins réservée et moins timide, jamais John n’eût pensé à elle ; mais toutes les fois que la douairière entreprenait une de ses attaques ouvertes, Grace montrait tant de chagrin, une résolution si ferme de ne la point seconder, qu’il était impossible de la croire d’intelligence dans toutes ses menées.

Il ne faut pas supposer que la tactique de lady Chatterton se bornât aux manœuvres directes et palpables dont nous avons parlé et qui ne prenaient leur source que dans l’excès, l’effervescence de son zèle ; non, elles ne lui servaient même souvent qu’à faire tenir sur ses gardes celui qu’elle voulait prendre dans ses filets. Mais elle ne négligeait aucun de ces petits artifices si communs dans le monde ; elle trouvait toujours moyen de placer ses filles près des jeunes gens riches et titrés, de les laisser seuls avec elles, de faire remarquer la conformité de goûts qui existait entre eux et celle qu’ils paraissaient préférer, de leur faire des compliments adroits et détournés ; enfin il n’y avait pas de moyens qu’elle n’employât pour arriver à son but.

Catherine avait les meilleures dispositions pour seconder sa mère ; Grace, à la seule pensée de ses innocents stratagèmes, tremblait, changeait de couleur, et eut tout gâté si on l’eût forcée d’y prendre une part active.

— Eh bien ! ma chère enfant, dit la douairière en entrant dans la chambre de sa fille qui s’efforçait de cacher ses pleurs, à quand la noce ? J’espère que maintenant tout est arrangé entre vous et John Moseley.

— Ma mère ! ma mère ! s’écria Grace ; presque suffoquée par ses larmes, vous me brisez le cœur ! et elle cacha sa figure dans les rideaux du lit près duquel elle était assise.

— Fi donc ! ma chère, reprit lady Chatterton, sans remarquer sa tristesse, qu’elle prenait pour l’embarras de la pudeur ; vous