Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/132

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longue et nue, soigneusement enveloppés par une petite lanière de cuir, ou la peau de quelque poisson, et qui lui pendait jusqu’au milieu du dos. Son habit de drap tenait le milieu, pour la forme, entre un froc et un justaucorps ; mais ce dernier nom lui convenait à merveille, car les boutons, aussi larges qu’une soucoupe de porcelaine de la Chine, le tenaient fermé jusqu’au menton et dessinaient ses formes de la manière la plus pittoresque. Ses culottes de peau de daim paraissaient avoir fait un long service ; quoiqu’on fût au milieu de l’été, il portait des bas de laine bleue, et ses souliers étaient attachés avec des boucles d’une grandeur proportionnée aux boutons de l’habit. Le porteur de ce bizarre ajustement paraissait avoir soixante-dix ans, mais sa démarche était vive, et tous ses mouvements annonçaient une grande activité de corps et d’esprit.

Ce singulier personnage, ayant été introduit dans le salon, fit à la famille rassemblée un salut profond et modeste, et, se hâtant de mettre ses lunettes, plongea sa main dans une poche qui se trouvait sous un des larges pans de son habit, et en tira un portefeuille de cuir noir aussi grand qu’un volume in-octavo ; après avoir soigneusement examiné la multitude de papiers qu’il contenait, il prit une lettre dont il fut l’adresse à haute voix : — À sir Edward Moseley, baronnet à Moseley-Hall, à B***, comté de Northampton, envoyé avec sûreté et célérité par l’entremise de Peter Johnson, intendant de Benfield-Lodge, Norfolk. Il serra alors son portefeuille, ôta ses lunettes, et, s’avançant vers le baronnet, il lui remit l’épître en faisant un salut plus profond encore que le premier.

— Ah ! mon bon ami Johnson, dit sir Edward après avoir lu la lettre (car, jusqu’à ce qu’il en eût su le contenu, il avait craint qu’il ne fût arrivé quelque accident à son oncle), voici la première visite dont vous m’ayez honoré, et j’espère que ce ne sera pas la dernière. Allons, buvez un verre de vin avant d’aller dîner ; buvez, vous dis-je.

— Sir Edward Moseley, et vous, honorable compagnie, veuillez me pardonner, dit l’intendant du ton le plus solennel ; c’est la première fois que je sors du comté royal de Norfolk, et je prie Dieu que ce soit la dernière. Je bois à l’honorable santé de Vos Seigneuries.

Tel fut le plus long discours que prononça l’honnête Johnson