Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/133

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pendant son séjour au château, son habitude étant de ne répondre jamais que par monosyllabes. Il y resta jusqu’au lendemain, d’après l’injonction positive que lui en fit sir Edward lorsque, après avoir reçu la réponse à sa missive, il se disposait à partir à l’instant même, pensant qu’il pourrait prendre une bonne avance pour le lendemain, puisqu’il restait encore une demi-heure jusqu’au coucher du soleil.

Dans la soirée, John, qui depuis son enfance connaissait le vieux Peter, et qui désirait lui rendre les attentions qu’il en avait si souvent reçues, voulut le conduire lui-même à la chambre qui lui était destinée. Lorsqu’ils y furent entrés, Johnson rompit tout à coup ce que le jeune homme appelait son silence invétéré : — Mon jeune Monsieur, mon jeune maître…, aurai-je la présomption…, oserai-je vous demander… de voir la personne… ?

— Quelle personne ? demanda John étonné de la requête et plus encore de la harangue.

— Celui qui sauva la vie de miss Emmy, Monsieur. John le comprit alors et le mena à la chambre de Denbigh ; celui-ci était endormi ; l’intendant le regarda pendant dix minutes en silence, et John remarqua, en le conduisant dans sa chambre, qu’une larme brillait dans les yeux gris du vieillard.

Comme la lettre de M. Benfield n’était pas moins originale que celui qui l’avait apportée, nous nous faisons un devoir de la rapporter en entier.


« Sir Edward et cher neveu,

« Votre lettre n’étant arrivée à Benfield-Lodge qu’au moment où j’allais me mettre au lit, il m’a été impossible d’y répondre le même soir ; mais je me hâte de vous faire ce matin mes félicitations, me rappelant la maxime si souvent répétée par mon parent lord Gosford, qu’on doit toujours répondre immédiatement aux lettres qu’on reçoit ; et il avait bien raison ; car l’omission d’un devoir si essentiel faillit amener une affaire d’honneur entre le comte et sir Stephens Hallet. Ce dernier était toujours d’un avis contraire au nôtre dans la chambre des communes, et j’ai souvent pensé que les débats eux-mêmes avaient été la cause de la correspondance, puisque le comte avait parlé à sir Stephens comme s’il eût été traître à son roi et à son pays.

« À ce qu’il paraît, votre fille Émilie a été préservée de la