Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/146

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coup d’autres, qui sont ennemis de toute contention d’esprit, il découvrait quelquefois, par suite de son bon sens naturel, qu’il avait adopté, sans s’en apercevoir, des idées fausses et qui n’étaient pas même d’accord entre elles.

Il est aussi dangereux d’abandonner toutes nos facultés aux impressions que cherche à faire naître l’auteur que nous lisons, qu’il est vain et inutile d’analyser avec défiance chacune de ses syllabes ; on ne pouvait accuser sir Edward de ce dernier travers, mais il n’était pas tout à fait à l’abri du premier.

Lady Moseley lisait très-peu ; ses opinions étaient établies d’une manière inébranlable sur tous les points importants, et son caractère affable et liant la portait à être toujours de l’avis des autres, sur les sujets qui ne touchaient ni la religion ni la morale.

Jane avait un esprit plus actif que celui de son père et plus brillant que celui de sa mère ; et si elle n’avait point reçu de fâcheuses impressions de tous les livres qu’elle lisait indistinctement et sans guide, elle le devait plutôt à l’heureuse circonstance que la bibliothèque du baronnet ne contenait rien de précisément mauvais, qu’à aucune précaution de ses parents contre le mal profond et irréparable que doivent produire des lectures mal dirigées sur l’esprit d’une jeune personne.

Mrs Wilson avait mis tant de soin à écarter de sa pupille un semblable danger, et à lui faire sentir la nécessité de ne lire que des ouvrages choisis, que ce qui n’avait été d’abord chez Émilie que l’effet de la soumission et de l’obéissance, fut bientôt l’effet de son goût et de l’habitude.

Émilie ne lisait presque jamais que des ouvrages instructifs, et si quelquefois elle se permettait d’en ouvrir un moins sérieux, son esprit juste était toujours éclairé par un goût et un jugement sain, qui en diminuaient le danger s’ils ne l’excluaient tout à fait.

Les salons de lecture étaient remplis d’un grand concours de monde. Tandis que John souhaitait le bonjour aux personnes de sa connaissance et que ses sœurs cherchaient à se procurer un catalogue, une dame âgée, dont la toilette et l’accent annonçaient une étrangère, entra dans le salon, et, déposant sur une table quelques livres religieux, elle demanda le reste de l’ouvrage.

La singularité de son accent attira l’attention des sœurs, et, à la grande surprise de Jane, Émilie, en la voyant, laissa échapper un cri de joie ; l’étrangère leva les yeux, et, après un moment d’hé-