Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/155

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de ses hôtes, il fut obligé d’étendre son hospitalité jusqu’au colonel.

Ce sujet avait été longuement discuté, le jour de l’arrivée d’Egerton, entre Peter et son maître, et le conseil allait se prononcer contre son admission, lorsque l’intendant, qui avait recueilli tous les détails de la scène du berceau, de la bouche des domestiques, et par conséquent avec beaucoup d’exagération, se rappela que le colonel avait montré beaucoup d’activité pour porter secours aux malades, et qu’il avait été, à une grande distance, puiser de l’eau pour ranimer miss Emmy, dans le chapeau du capitaine Jarvis, entreprise qui n’avait pas été sans difficulté, ledit chapeau se trouvant plein de trous, attendu que M. John l’avait fait sauter de la tête du capitaine, sans toucher un seul cheveu, en tirant un coq de bruyère.

Ce rapport, aussi exact que peut l’être un récit qui a passé par la bouche de plusieurs domestiques, adoucit un peu M. Benfield, et il consentit à suspendre sa décision jusqu’à plus ample informé.

Pendant le dîner, le colonel admira le portrait de lord Gosford, peint par Reynolds, qui embellissait la salle à manger ; M. Benfield, enchanté, lâcha son invitation qui fut acceptée avec politesse, et le colonel fut installé dans la maison.

John Moseley était le seul qui fût par moments pensif et distrait, et on pouvait douter si ses réflexions se portaient sur Grace Chatterton ou sur la douairière ; car c’était un véritable chagrin pour John de ne pouvoir penser à Grace sans être assailli par le souvenir désagréable de ses alentours. Les lettres qu’il recevait de Chatterton lui apprenaient qu’il était encore à Denbigh-Castle, dans le Westmoreland, séjour ordinaire de son ami le duc de Denvent ; et John pensait, d’après les éloges qu’il lui avait faits deux ou trois fois de lady Henriette Denbigh, sœur du duc, qu’Émilie serait bientôt remplacée dans son cœur.

La douairière et ses filles étaient alors au château d’une de leurs tantes, dans le comté d’York, vieille fille chez laquelle, comme John le savait fort bien, aucun homme n’était jamais admis, et cette certitude le consolait un peu de l’absence de Grace. Il savait que l’espoir d’assurer à ses filles un legs considérable pouvait seul décider la douairière à s’isoler pendant quelque temps de la société des hommes. Il était sûr que tant qu’elle serait dans ce manoir, elle ne pouvait dresser des pièges pour faire