Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vraiment ! s’écria son frère ; mais, ma tante, il faut absolument que vous réserviez Émilie pour Sa Seigneurie, car elle l’admire presque autant que vous.

— Je crois qu’il faudrait qu’elle pensât tout à fait comme moi, pour désirer de devenir sa femme, répondit Mrs Wilson.

— Mais, ma tante, dit Émilie plus gravement, si tout ce qu’on en dit est vrai, n’y en eût-il même que la moitié, l’admiration devient un sentiment bien naturel, je dirai même bien froid, pour tant de vertus.

Denbigh était placé de manière à voir la physionomie expressive et animée d’Émilie, et Mrs Wilson remarqua que, pendant qu’elle parlait, il se troubla et changea de couleur, émotion qui ne lui paraissait pas suffisamment justifiée par l’estime qu’Émilie témoignait pour un homme qu’elle n’avait jamais vu.

— Serait-il possible, pensait-elle, qu’une passion aussi basse que l’envie put trouver accès dans le cœur de Denbigh ? Dans ce moment, celui-ci s’éloigna comme s’il n’eût pas voulu en entendre davantage, et il parut rêver tout le reste de la soirée.

Ces observations peuvent paraître puériles ; mais combien elles étaient importantes pour celle qui étudiait avec inquiétude le caractère d’un homme qui devait être bientôt chargé de protéger et de rendre heureuse celle qu’elle aimait comme sa fille !

À la fin de la soirée, les invitations pour le bal arrivèrent et furent acceptées, et comme ce nouvel arrangement contrariait le projet de visite à Mrs Fitzgerald, Mrs Wilson envoya chez elle le lendemain matin pour la prévenir de ne les attendre que le jour suivant.

Émilie se préparait pour le bal avec un plaisir qui n’était point sans mélange. Le triste souvenir des suites du dernier bal où elle s’était trouvée, le malheureux sort de Digby, tout portait son âme à la mélancolie, et elle avait besoin, pour, la chasser, de se rappeler la noble conduite que Denbigh avait tenue dans cette circonstance.

Denbigh les pria de l’excuser s’il ne les accompagnait pas ; il dit à Émilie qu’il était trop gauche dans le monde, qu’il craignait trop pour lui et pour ses amis les conséquences désagréables de ses inadvertances, pour oser s’aventurer de nouveau dans une telle assemblée.

Émilie soupira doucement en montant dans la voiture de sa