Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/168

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elle sait que c’est à vous à prononcer, lors même que son cœur aurait fait un choix.

— Non, ma sœur, je ne voudrais point abuser de mon influence sur mon enfant, lorsqu’il s’agit d’une affaire si importante pour son bonheur ; mais mon attachement pour Denbigh diffère peu de celui que j’éprouve pour l’enfant qu’il m’a rendue.

— Je suis convaincue, continua Mrs Wilson, qu’Émilie a un sentiment trop juste de ses devoirs pour ne pas renoncer, si vous l’exigez, à l’objet de ses plus chères affections ; mais, d’un autre côté, je suis persuadée que rien ne parviendrait à la forcer d’épouser un homme pour lequel elle ne sentirait pas l’amour et l’estime qu’une femme doit à son mari.

Le baronnet ne paraissait pas saisir exactement le sens de la distinction que faisait sa sœur.

— Je ne suis pas sûr de bien comprendre la différence que vous établissez, Charlotte.

— Je veux dire, mon frère, que si Émilie jurait à l’autel d’aimer un homme pour lequel elle se sentirait de l’aversion, ou d’honorer celui qu’elle ne pourrait estimer, elle croirait, avec raison, trahir un devoir supérieur à tous ceux de ce monde. Mais pour répondre à votre question, je vous dirai que Denbigh ne s’est point encore déclaré, et que, lorsqu’il le fera, je ne crois pas qu’il soit refusé.

— Refusé ! s’écria le baronnet, j’espère qu’il n’en sera rien ; je voudrais de tout mon cœur qu’ils fussent déjà mariés.

— Émilie est très-jeune, rien ne presse ; j’espérais même qu’elle attendrait encore quelques années pour se marier.

— Eh bien ! ma sœur, vous et lady Moseley, vous avez des idées toutes différentes sur le mariage des jeunes filles.

Mrs Wilson répondit avec un doux sourire :

— Vous avez été pour Anne un si bon mari, mon frère, qu’elle ne croit pas qu’il y en ait de mauvais en ce monde ; quant à moi, tout mon désir est que l’époux d’Émilie ait de la religion, et si je négligeais un devoir si essentiel, je ne me le pardonnerais jamais.

— Je suis sûr, Charlotte, que Denbigh et Egerton ont un grand respect pour la religion ; ils vont exactement à l’église, et y sont très-attentifs au service divin. Mrs Wilson sourit, et il ajouta :