Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/184

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mais quoique le colonel perdît l’estime de Jane, elle ne s’en trouvait que plus humiliée de l’avoir aimé, et ses amis conclurent sagement que le temps pourrait seul lui rendre sa première tranquillité.

Le lendemain matin, Mrs Wilson, désirant avoir une conversation avec Denbigh, dans l’espoir d’éclaircir quelques doutes, l’engagea à l’accompagner dans sa promenade du matin ; il accepta avec le plus vif empressement : mais, lorsqu’il vit qu’Émilie n’était point de la partie, il eut besoin de rappeler sa présence d’esprit et son usage du monde pour ne point laisser percer son désappointement.

Lorsqu’ils furent à quelque distance de Benfield-Lodge, elle lui fit connaître son intention de le présenter à Mrs Fitzgerald, chez laquelle elle avait dit à son cocher de les conduire. À ce nom Denbigh tressaillit, et après quelques moments de silence, il pria Mrs Wilson de lui permettre de faire arrêter la voiture ; il ne se sentait pas bien, et il était désolé de la quitter ; mais avec sa permission il allait descendre et retourner au château.

Il la pria si instamment de continuer sa promenade et de ne pas tromper l’attente de sa jeune amie, que Mrs Wilson fut forcée de céder ; cependant, ne sachant comment expliquer une maladie si subite, elle mit la tête à la portière pour voir comment se trouvait Denbigh, et elle fut étonnée de le voir causer tranquillement avec John, qu’il venait de rencontrer se promenant avec son fusil. Malade d’amour ! pensa Mrs Wilson en souriant ; et se rappelant qu’il devait les quitter bientôt, elle en vint à conclure qu’il voulait peut-être profiter du moment où Émilie était seule, pour lui faire l’aveu de ses sentiments. Si cet aveu doit arriver, pensa-t-elle en soupirant, autant vaut peut-être sortir tout d’un coup d’incertitude.

Mrs Fitzgerald l’attendait, et elle parut charmée de la voir arriver seule ; après lui avoir demandé des nouvelles d’Émilie, Julia confia à Mrs Wilson la nouvelle source d’inquiétudes qui venait de se rouvrir pour elle.

Le jour où le bal de L*** avait empêché la tante et la nièce de faire la visite promise à Mrs Fitzgerald, dona Lorenza s’était rendue au village pour faire quelques emplettes, suivie de leur vieux domestique, et Julia s’était installée dans son petit parloir, où elle espérait voir bientôt arriver ses amis. Ayant entendu mar-