Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/183

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point encore remarquée, la ramena de nouveau à penser qu’il y avait quelque chose de mystérieux dans la personne et le caractère de ce jeune homme.

Jane, dont les sentiments avaient éprouvé un choc que le temps seul pouvait guérir, consentit cependant à reparaître au milieu de ses amis ; mais la certitude qu’ils étaient tous instruits de son désappointement cruel lui donnait un air de gêne, de froideur et de défiance, fort éloigné de son aisance et de son aménité accoutumées.

Émilie seule, dont l’excellent cœur dirigeait tous les mouvements, et dont les actions étaient guidées par le tact le plus sûr et la délicatesse la plus exquise, parvint bientôt à rétablir entre elle et sa sœur cet échange d’attention, d’amitié et de sympathie, charmes de l’amour fraternel.

Jane cependant ne montrait de confiance en personne, et ne se plaignait jamais du manque, de foi dont elle avait été victime ; qu’aurait-elle pu dire pour expliquer son aveuglement ? Rien ne pouvait justifier son attachement pour Egerton, rien, que ses agréments extérieurs, qui seuls, elle se l’avouait avec honte, avaient séduit son imagination ;

Le mariage des fugitifs, en Écosse, avait été publiquement annoncé ; et comme le bruit qui s’était répandu un moment qu’Egerton allait s’allier à la famille de sir Edward était tombé de lui-même depuis son esclandre, leurs connaissances ne se génèrent point pour épiloguer en leur présence sur le caractère du colonel.

Qu’il fût joueur, intrigant et criblé de dettes, ce n’était depuis longtemps un secret pour personne, excepté pour ceux qui avaient le plus d’intérêt à savoir la vérité.

Mrs Wilson trouvait dans la découverte des vices d’Egerton de nouvelles raisons pour juger et examiner toujours les choses par elle-même, puisque la vaine et fausse politesse du monde se fait un point d’honneur de nous cacher précisément ce qu’il importe à notre repos de connaître.

On permit que quelques traits du caractère d’Egerton parvinssent aux oreilles de Jane, sa tante ayant jugé avec raison que le plus sûr moyen de détruire l’ascendant qu’il avait usurpé sur l’imagination de sa nièce était de le dépouiller de ses qualités factices. L’attente de Mrs Wilson fut en quelque sorte justifiée ;