Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/235

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sence seule empêcha Jane de s’évanouir. Sa fierté n’eût pu supporter plus longtemps de voir le bel Egerton près de Marie Jarvis, qui avait l’air de la narguer ; et son cœur se révoltait en revoyant l’homme dans lequel elle avait cru trouver le fantôme de perfection idéale qu’elle poursuivait depuis longtemps.

— En vérité, lady Moseley, dit l’ancienne marchande, sir Timo et moi, j’ose dire aussi sir Henry et lady Egerton, nous sommes enchantée de vous voir à Bath. Mrs Moseley, permettez-moi de vous faire mon compliment, ainsi qu’à lady Chatterton ; j’espère qu’elle me reconnaît maintenant ; je suis lady Jarvis. Monsieur Moseley, je regrette bien pour vous que mon fils, le capitaine Jarvis, ne soit pas ici : vous vous aimiez tant, et vous aviez tant de plaisir à chasser ensemble.

— Assurément, milady Jarvis, répondit John d’un air railleur, c’est une très-grande perte pour moi ; mais je présume que le capitaine est devenu maintenant trop bon tireur pour que j’ose aller de pair avec lui.

— Il est vrai qu’il réussit dans tout ce qu’il entreprend, dit la dame d’un air satisfait, et j’espère qu’il apprendra bientôt comme vous à se servir des flèches de Cupidon. L’honorable Mrs Moseley me paraît jouir d’une bien bonne santé.

Grace s’inclinait en ne pouvant s’empêcher de sourire de l’espèce de comparaison que lady Jarvis voulait établir entre son cher John et le lourd capitaine, lorsqu’une personne placée derrière elle attira l’attention de toute la famille en disant :

— Henriette, vous avez oublié de me montrer la lettre de Marianne.

C’était le son de voix de Denbigh. Émilie tressaillit malgré elle, et tous les yeux, excepté les siens, se tournèrent vers celui qui avait parlé.

Il était assez près des Moseley, donnant le bras à deux jeunes dames ; un second coup d’œil fut nécessaire pour leur prouver qu’ils s’étaient trompés. Ce n’était point Denbigh, mais un jeune homme qui avait absolument la même taille, les mêmes manières et presque les mêmes traits que lui ; de plus, il possédait aussi cette voix douce et sonore qu’on ne pouvait oublier dès qu’on l’avait entendue. Ils s’assirent tous trois près des Moseley et continuèrent leur conversation. — Je crois vous avoir entendu dire que vous avez eu aujourd’hui des nouvelles du colonel ? dit le