Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/293

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— Croyez-vous que je ne le sache pas ? s’écria John avec gaieté ; c’est le beau jour, tout Londres y sera ; quel plaisir nous allons avoir !

Grace déposa son livre. — Ah ! Moseley, lui dit-elle en le regardant tendrement, vous devriez donner un meilleur exemple !

— Et quel meilleur exemple voulez-vous que je donne ? repartit John avec affection. En montrant partout une épouse accomplie, n’est-ce pas indiquer la route qui conduit au bonheur ?

Ces paroles furent prononcées avec ce ton de sincérité qui distinguait Moseley. Grace fut plus flattée du compliment qu’elle n’aurait voulu l’avouer, et John ne disait que ce qu’il pensait ; car son unique pensée, pour le moment, était de produire sa femme, et de faire partager à tout le monde l’admiration qu’elle lui inspirait.

Le mari avait trop d’éloquence pour ne pas l’emporter ; d’ailleurs Grace l’aimait si tendrement ! Elle monta dans le phaéton à côté de lui, à peu près résolue à profiter de l’occasion pour lui faire un beau sermon sur des objets sérieux ; mais cette résolution eut le sort de toutes celles qui sont formées par suite d’une espèce de compromis avec nos devoirs… Elle fut oubliée l’instant d’après.

Grace voulut essayer, en abandonnant ses occupations sérieuses pour se prêter à ses folies, de le ramener à ses sentiments ; mais l’épreuve eut une issue bien différente. Au lieu de le convertir, ce fut elle qui se laissa entraîner, et le sermon qu’elle avait préparé expira sur ses lèvres.

Mrs Wilson avait écouté attentivement la conversation de John et de Grace, et dès qu’ils furent partis, elle dit à Émilie, avec laquelle elle était restée seule :

— Voilà pourtant ce qui arrive, mon enfant, lorsque le mari et la femme n’ont pas les mêmes principes religieux. John, au lieu d’encourager Grace à remplir son devoir, parvient, comme vous le voyez, à l’en détourner.

Émilie sentit la force de la remarque de sa tante ; elle en reconnaissait la justesse ; cependant son amour pour le coupable lui fit hasarder de dire :

— John respecte la religion, ma tante ; il est incapable de pervertir Grace, et cette offense n’est pas impardonnable.

— Non, sans doute, mais ce n’en est pas moins une infraction