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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/308

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domestique que cette vue si chère venait leur rappeler ; mais personne ne s’oublia au point de rompre par un seul mot le silence qu’exige la discipline d’un navire, et on n’entendait que le roulis des vagues et le sifflement du vent qui les portait avec rapidité vers l’objet de leurs vœux.

À l’extrémité du grand mât flottait un petit pavillon bleu, symbole du commandement, et immédiatement en dessous, sur le tillac, se promenait, d’un pas lent et régulier, un homme dont la taille carrée, les formes athlétiques et les traits basanés, attestaient à la fois la force et les longs services.

Chaque fois que sa promenade régulière le ramenait en vue de la terre où il avait reçu la vie, un sourire qu’il cherchait vainement à cacher venait animer sa figure martiale, et il jetait un coup d’œil satisfait sur la nombreuse escadre qui était sous ses ordres, et qu’il ramenait victorieuse dans sa patrie.

Près de lui était un officier portant un uniforme différent de tous ceux qui montaient le vaisseau. Il était petit de taille, et ses yeux vifs et perçants étaient aussi fixés sur ce rivage où il aurait bien voulu ne jamais aborder.

L’anxiété et la mortification qui étaient peintes sur sa figure le désignaient assez pour le commandant de ces vaisseaux que l’Anglais ramenait en triomphe, et dont le double pavillon apprenait à tout marin expérimenté qu’ils venaient de changer de maître. Tout à coup l’amiral vainqueur s’arrêta, et par quelques mots de civilité franche, mais maladroite, il essaya de consoler celui qu’il appelait honnêtement son hôte. Cette attention fut reçue avec toute la politesse qu’aurait pu exiger l’étiquette la plus ponctuelle, mais avec une contrainte visible qui prouvait à quel point elle lui était pénible.

C’était peut-être en effet le moment le plus mal choisi de tous ceux qu’ils avaient passés ensemble depuis deux mois, pour échanger quelques mots de bienveillance. L’excellent cœur de l’Anglais avait peine à cacher la joie qui le remplissait en voyant s’approcher le terme des travaux qui l’avaient arraché du sein de sa famille ; et sa gaieté, sa brusquerie amicale et son sourire, qui n’étaient cependant que l’expression des sentiments d’un père et d’un ami, étaient autant de coups de poignard pour son rival vaincu.

En ce moment un troisième personnage sortit de la cabane, et