Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/309

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se dirigea vers l’endroit où les deux amiraux venaient d’entrer en conversation avec des dispositions bien différentes.

La tournure et le costume de ce dernier différaient totalement de ceux des deux autres. C’était un militaire, et un militaire du plus haut grade ; sa taille haute et gracieuse était remplie de dignité. Ses cheveux, arrangés avec soin, cachaient les outrages du temps ; et sur le tillac d’un vaisseau du premier rang, sa tenue et ses manières auraient pu faire croire qu’il se disposait à se rendre à la parade.

— J’exige, Monsieur, dit l’amiral anglais d’un ton de franchise et de bonne humeur, que vous preniez place dans ma voiture jusqu’à Londres ; vous êtes étranger dans ce pays, et je tâcherai de vous sauver quelques-uns des ennuis de la route.

— Vous êtes trop bon, monsieur Howell, répondit l’amiral français en le saluant avec un sourire forcé (car, interprétant mal l’offre bienveillante de son rival, il n’y voyait que le désir de l’emmener en triomphe, et de faire trophée de son malheur) ; mais j’ai accepté l’offre que M. le général Denbigh a bien voulu me faire.

— Le comte m’a promis de venir avec moi, Howell, dit le général avec un sourire obligeant, et en vérité vous ne seriez pas un compagnon de voyage très-commode, car vous devez quitter le vaisseau cette nuit même, dès qu’on aura jeté l’ancre, tandis que je ne compte débarquer que demain au point du jour.

— Bien, bien, Denbigh, s’écria l’amiral se frottant les mains de plaisir en voyant que le vent augmentait et les portait vers le rivage avec une vitesse toujours croissante ; dès que vous êtes tous deux contents, je le suis aussi.

Quelques heures se passèrent encore cependant avant qu’ils entrassent dans la rade de Plymouth, et l’heure du dîner réunit encore une fois les deux amiraux. À peine était-il fini que le comte, sous prétexte de faire les préparatifs nécessaires à son débarquement, se retira dans sa chambre pour cacher sa mortification ; et le capitaine du vaisseau monta sur le pont afin d’en surveiller la manœuvre et de juger de l’endroit le plus favorable pour jeter l’ancre. Deux ou trois flacons de vin restaient encore ; mais comme on avait épuisé les santés de chaque membre de la famille de Brunswick, sans oublier celles de Louis XVI et de Marie-An-