Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/314

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aucun, et il avait quelque chose de vague et presque de sauvage ; ses manières étaient gauches, contraintes et timides.

Quelquefois une expression extraordinaire animait sa figure ; sa physionomie pétillait d’esprit et d’intelligence ; mais c’était un éclair qui ne durait qu’un instant, et il reprenait son air pensif et mélancolique dès que son père paraissait ou qu’il lui adressait la parole.

Un observateur attentif, comme Mrs Wilson, aurait pu remarquer que le père et le fils n’avaient pas l’un pour l’autre les sentiments que la nature aurait dû graver dans leurs cœurs. Mais l’amiral, en voyant un être si chétif et si débile, se contenta de murmurer entre ses dents : — Il y a peut-être l’étoffe d’un duc ; mais je n’en voudrais pas pour contre-maître.

George était plus jeune d’un an que Francis ; sa taille, sa tournure, la grâce de ses moindres mouvements le rendait le portrait frappant de son père : ses yeux étaient moins vifs, mais d’une expression plus agréable que ceux de son frère ; il avait l’air mâle et robuste, et sa physionomie respirait à la fois la bienveillance et la franchise.

— Mille bombes ! se disait en lui-même le vieux marin après avoir achevé un examen si satisfaisant, quel dommage que Denbigh ne l’ait pas envoyé sur mer !

Les intentions de l’amiral furent bientôt conformes aux désirs de son ami, et il resta à dîner avec lui pour conclure, le verre à la main, les arrangements préliminaires pour le mariage de George et d’Isabelle. Ils étaient seuls ; lady Denbigh et ses fils devaient dîner chez leur oncle le duc de Derwent.

— Eh bien ! Denbigh, s’écria l’amiral dès que les domestiques se furent retirés, quand mettrons-nous ces jeunes gens dans la même chaloupe, pour qu’ils voguent ensemble sur l’océan de la vie ?

— Mais le meilleur moyen, dit le prudent général, qui savait qu’il ne pouvait pas compter, comme son ami, sur une obéissance passive ; le meilleur moyen serait, je crois, de les réunir souvent, afin qu’ils pussent faire connaissance.

— Les réunir !… faire connaissance ! s’écria l’amiral avec surprise ; mais il me semble que le meilleur moyen de les réunir est de les conduire devant un prêtre, et qu’ils auront bientôt fait connaissance, lorsqu’ils se trouveront dans le même hamac !

— C’est une manière plus expéditive sans doute d’arriver au