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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/322

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du sien. Ses joues se couvrirent d’une pâleur mortelle, et des larmes d’angoisse sortirent de ses yeux.

George ne put résister à un appel aussi touchant ; il se jeta dans les bras de son frère, et lui confia l’embarras où il se trouvait. Non-seulement il fallait qu’il trouvât de suite les quarante guinées qu’il devait à son dangereux compagnon, mais il ne lui restait rien pour vivre jusqu’à ce qu’il eût reçu le prochain quartier de sa pension.

Francis réfléchit un moment ; enfin il demanda à son frère :

— Combien vous faudrait-il pour attendre ce terme ?

— Oh ! il me faudrait au moins quarante guinées encore, ou autant vaudrait ne pas vivre du tout. — George était habitué à n’estimer de la vie que ses plaisirs.

Après quelques moments d’hésitation, Francis se tourna vers lui, et lui dit :

— Mais dans les circonstances présentes ne pourriez-vous vous contenter de moins ?

— De moins… ! c’est impossible, s’écria George avec véhémence : à peine cela me suffirait-il. Si lady Margaret ne nous envoyait de temps en temps quelques guinées, nous serions souvent fort embarrassés. Ne trouvez-vous pas, Francis, que ces attentions maternelles arrivent toujours fort à propos ?

— Je le crois, répondit son frère d’un air embarrassé et en soupirant.

— Vous le croyez ! s’écria George en voyant le trouble de Francis. Ne recevez-vous pas comme moi des preuves réitérées de la tendresse de notre mère ?

Francis ne répondit rien, mais sa pâleur et son silence instruisirent George de la vérité. — Cher frère, s’écria-t-il, à l’avenir je ne recevrai pas un schelling que vous ne le partagiez avec moi ; je l’exige de votre amitié.

— Eh bien ! reprit Francis avec un triste sourire, j’y consens, c’est un marché conclu, et je vais faire pour vous ce qu’à l’avenir vous ferez pour moi.

Sans attendre la réponse de son frère, Francis courut dans la chambre voisine, et en revint avec la somme dont George avait besoin. Celui-ci refusa d’abord de la prendre, mais Francis l’exigea : c’était le fruit de ses épargnes, et il lui restait assez d’argent pour contenter la simplicité de ses goûts jusqu’au terme prochain.