Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/328

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Jetez le grappin, attaquez vivement, ne laissez pas le temps de se reconnaître, et la victoire est à vous.

George aurait eu de la peine à concilier ce discours avec celui que lui avait tenu son père, s’il avait eu le temps de faire des réflexions ; mais l’amiral lui ouvrit lui-même la porte, et, le poussant dans l’appartement, il la referma sur lui pour lui laisser le champ libre, en lui recommandant de nouveau de commencer sur-le-champ l’attaque.

L’amiral, que toutes les tergiversations de son ami impatientaient, avait cru avancer les affaires et préparer les voies à George en faisant son éloge à Isabelle en plusieurs occasions. Il pensait qu’après tout il valait autant qu’elle fut disposée à l’aimer, puisque de toute manière il devait être son époux ; et depuis quelque temps il lui tenait souvent des discours tels que ceux-ci :

— C’est un joli garçon que ce George Denbigh, n’est-ce pas, Isabelle ? Et puis il est brave. Son père est rempli de courage, et je sais que le fils chasse de race. Ce sera là un bon mari ! Il est plein d’attachement pour son roi et pour son pays. Ce n’est pas un de ces novateurs qui voudraient tout bouleverser ; il a de la religion, autant du moins que vous pouvez vous attendre à en trouver dans un capitaine des gardes. Ce n’est pas un méthodiste, j’en suis certain. Quel dommage qu’on n’en ait pas fait un marin ! Ne pensez-vous pas comme moi, mon enfant ? Mais, bah ! tout n’est pas désespéré pour cela ; il peut encore lui prendre fantaisie de jeter les yeux sur vous quelque jour.

Isabelle, à qui ses craintes faisaient deviner le but de ces éloges réitérés du capitaine Denbigh, les écoutait en silence ; elle se livrait à des réflexions qui souvent étaient accompagnées de bien des larmes.

George s’approcha du sopha sur lequel elle était assise ; elle avait les yeux rouges et enflés. Il lui prit doucement la main, et lui dit d’une voix émue :

— D’où peut provenir la tristesse de miss Howell ? Si les consolations de la plus tendre amitié ; si une voix consacrée à son service peuvent apporter quelque adoucissement à la douleur, elle n’a qu’à ordonner ; avec quelle ardeur ne m’empresserai-je pas de lui obéir !

— Il faut peu de chose pour nous affliger, faibles créatures que nous sommes, répondit Isabelle en s’efforçant de sourire ;