Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/329

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heureusement il ne faut pas non plus de grands efforts pour nous consoler.

George la regardait fixement pendant qu’elle parlait, et son air d’abattement démentait ses paroles. Jamais elle ne lui avait paru si intéressante ; il se rappelait les exhortations de son père. Entraîné en même temps par ses sentiments, il lui fit, avec autant de franchise que d’éloquence, l’aveu de son amour, et la pria d’accepter son cœur et sa main.

Isabelle l’écouta dans un morne silence. Elle avait pour lui beaucoup d’estime, et elle craignait l’ascendant qu’il paraissait avoir sur l’esprit de son père. Que faire néanmoins ? fallait-il renoncer aux plus chères espérances de son cœur, et voir s’évanouir sans retour les rêves de bonheur dont elle aimait à se bercer ? Non, c’était un effort dont elle ne se sentait pas capable. Denbigh était généreux, sensible ; elle résolut de s’abandonner à sa générosité.

Pendant le dernier voyage de son père, Isabelle avait fait la connaissance d’un jeune ecclésiastique, fils cadet d’un baronnet, à présent le docteur Yves. Ils avaient pris de l’attachement l’un pour l’autre, et lady Hawker, chez qui Isabelle était restée depuis la mort de sa mère, sachant que son frère ne tenait nullement à l’argent, ne vit pas de raison pour s’opposer à cette passion naissante qui s’était formée sous ses yeux.

Lorsque l’amiral fut de retour, Yves avait demandé, la main d’Isabelle, comme nous l’avons déjà dit, et quoique la tante se fût prononcée très-fortement en sa faveur, il avait été rejeté. Yves avait eu la délicatesse de ne point faire entendre qu’Isabelle le payait du plus tendre retour, de sorte que l’amiral, en l’éconduisant, avait cru tenir simplement la promesse qu’il avait faite au général, sans compromettre en aucune manière le bonheur de sa fille. Mais les sentiments qui l’avaient porté à se déclarer continuèrent à régner dans toute leur force dans l’âme des deux amants ; et c’est ce dont Isabelle, après bien de l’hésitation et en rougissant plus d’une fois, se décida à instruire George. Elle lui peignit franchement l’état de son cœur, implora sa compassion, et lui donna à entendre qu’il était le seul obstacle à son bonheur.

On suppose aisément qu’un pareil aveu surprit George autant qu’il l’affligea. C’était une mortification pénible pour son amour propre, et il lui fallut un instant lutter contre lui-même. Mais sa