Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/33

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Après les prières accoutumées, le jeune Francis monta dans la chaire. Il garda un moment le silence, jeta un regard inquiet sur le banc de sa mère, et enfin commença son sermon. Il avait pris pour sujet la nécessité de placer toute notre confiance dans la grâce divine pour notre bonheur en cette vie comme dans l’autre. Après avoir éloquemment démontré la nécessité de cette confiance, comme étant seule capable de nous prémunir contre les maux de l’humanité, il se mit à peindre l’espoir, la résignation, la félicité qui accompagnent une mort chrétienne.

Bientôt le jeune prêtre, s’échauffant à mesure qu’il entrait plus avant dans son sujet, s’abandonna à tout son enthousiasme ; son regard plein de feu donnait un nouvel intérêt à ses paroles ; et, dans un moment où toute la congrégation attentive était captivée par son éloquence entraînante, un soupir convulsif et prolongé attira tout à coup tous les yeux sur le banc du ministre. Le jeune étranger, frappé de stupeur, pale comme la mort, était debout, tenant dans ses bras le corps inanimé de son père, qui à l’instant même venait de tomber mort à ses côtés.

L’église n’offrit plus alors qu’une sorte de tumulte. On arracha le jeune homme à un spectacle aussi déchirant, et le ministre l’entraîna presque sans connaissance hors de l’église.

La congrégation se dispersa en silence ; on se forma en petits groupes pour s’entretenir de l’événement terrible dont ils venaient d’être les témoins. Personne ne connaissait le défunt ; on savait seulement que c’était l’ami du ministre, et on transporta son corps au presbytère.

Le jeune homme était évidemment son fils ; mais les renseignements n’allaient pas plus loin. Ils étaient venus dans une chaise de poste, et sans être accompagnés d’un seul domestique.

Leur arrivée au presbytère fut décrite par les Jarvis avec quelques embellissements qui ajoutèrent encore à l’intérêt, sans cependant que personne, pour pénétrer ce mystère, osât faire au docteur Yves des questions qui auraient pu l’affliger.

La dépouille mortelle du vieillard fut placée sur un char funèbre qui partit du village à la fin de la semaine, sous l’escorte de Francis Yves et du fils inconsolable.

Le docteur et sa femme prirent le grand deuil, et le jour du départ de Francis, Clara reçut un billet de son amant, qui lui ap-