Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/342

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Francis, qui n’avait parlé à personne de son amour, et qui n’avait jamais laissé entrevoir qu’à Marianne l’état de son cœur, sans oser même s’expliquer ouvertement, fut frappé comme d’un coup de foudre. Il resta auprès d’eux jusqu’au jour de leur union, il fut même présent au mariage ; il fut calme, silencieux ; mais c’était le silence d’une montagne qui couve dans son sein un volcan dont l’éruption sera d’autant plus terrible qu’elle est précédée d’un calme effrayant.

Le même jour il disparut, et tous les efforts qu’on fit pour découvrir sa retraite furent inutiles ; on ne put savoir ce qu’était devenu le fils aîné du général.

George, après son mariage, céda aux vives instances de sa jeune épouse, et donna sa démission pour aller mener avec elle une vie paisible et retirée, au milieu de toutes les jouissances de la fortune et de l’amour, dans l’une des résidences qui appartenaient à la comtesse. Marianne lui était tendrement attachée. N’ayant plus de raison pour se livrer à son goût pour la coquetterie, elle ne parut occupée que de faire son bonheur ; et son caractère s’améliora graduellement à la vue des excellentes qualités de celui qu’elle avait choisi pour époux.

Parfois un soupçon vague et confus sur le véritable motif de la disparition soudaine de Francis se glissait dans l’esprit de Marianne, et lui causait quelque inquiétude ; mais, parvenue au comble de ses désirs, aimant jusqu’à l’ivresse et payée du plus tendre retour, elle était trop heureuse pour sentir longtemps des remords de conscience. C’est dans les moments de peines et de privations qu’ils nous tourmentent, qu’ils nous poursuivent, qu’ils s’attachent à nous comme autant d’aiguillons acérés. La fortune nous berce-t-elle de ses faveurs, nous aimons à nous étourdir, à nous persuader que nous les méritons. Il faut des revers pour que l’illusion cesse, et c’est au sein de l’adversité que la voie de la vérité se fait entendre.

Le général Denbigh et lady Margaret moururent tous deux peu d’années après le mariage de leur enfant favori : mais ils vécurent pourtant assez pour embrasser leur petit-fils, qui fut appelé George, du nom de son père.

Le duc de Derwent et son fils, qui s’étaient mariés dans un moment de dépit, eurent chacun des enfants, et c’est dans ces descendants de diverses branches de la famille de Denbigh que