Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/389

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apprêté moi-même, et j’espère que vous le trouverez bon.

— Ô chère lady Pendennyss ! dit le vieux gentilhomme en se levant avec l’ancienne courtoisie pour prendre le verre qu’elle lui offrait, vous vous donnez trop de peine pour un vieux garçon, comme moi, beaucoup trop, en vérité, beaucoup trop.

— Les vieux garçons sont quelquefois plus recherchés que les jeunes, s’écria gaîment Pendennyss qui l’avait entendu. Voilà mon ami, M. Peter Johnson ; qui sait si nous ne danserons pas bientôt, à ses noces ?

— Milord, milady et mon honorable maître, dit Peter gravement et avec un salut respectueux, sans bouger de la place où il attendait, un plateau à la main, que M. Benfield eût fini de boire, pour emporter son verre, j’ai passé l’âge de penser aux femmes, j’aurai soixante-treize ans, vienne le 1er du mois d’août.

— Que pouvez-vous mieux faire de vos trois cents livres de rente, dit Émilie en souriant, que de les partager avec une bonne femme, qui embellisse le soir de vos jours ?

— Milady… hein… milady, dit l’intendant en rougissant, si votre bonté daignait y consentir, j’ai formé, pour en disposer, un petit plan qui me tient fort à cœur, car je n’ai dans le monde ni enfants ni parents pour recueillir ma succession.

— Je serais charmée de connaître ce plan, dit Émilie voyant que Peter brûlait de s’expliquer.

— Si milord, milady et mon honorable maître, l’avaient pour agréable, j’ajouterais un dernier codicille au testament de mon maître, pour disposer des dons qu’il m’a faits.

— Au testament de votre maître ! dit le comte en riant ; et pourquoi pas au vôtre, mon bon Peter ?

— Honorable lord, dit l’intendant avec une grande humilité, ce n’est pas à un pauvre serviteur comme moi qu’il appartient de faire un testament.

— Vous vous trompez, Peter, dit le comte avec bonté : d’ailleurs un testament n’est valable qu’après la mort du testateur, et deux personnes ne peuvent en faire en commun, puisqu’il est probable qu’elles ne mourront pas le même jour.

— Nos testaments seront cependant ouverts le même jour, dit Peter avec émotion. M. Benfield le regarda d’un air attendri, et le comte et Émilie furent si touchés de son attachement pour son maître, qu’il leur fut impossible de prononcer un mot.