Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/390

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Comme Peter l’avait dit, il avait son plan trop à cœur pour abandonner ce sujet au moment où il venait de rompre la glace. Il désirait vivement que la comtesse agréât son projet, car il n’eût point voulu lui désobéir, même après sa mort.

— Milady, se hâta de dire Peter, mon plan est, si mon honorable maître veut bien me le permettre, d’ajouter un codicille à mon testament, et de léguer ma petite fortune à une petite… lady Émilie Denbigh.

— Ô Peter ! vous et mon oncle Benfield, vous êtes cent fois trop bons, dit Émilie en riant et en rougissant à la fois, tandis qu’elle se tournait vers sa mère et Clara.

— Je vous remercie, je vous remercie, s’écria le comte touché en suivant des yeux sa chère Émilie, et en pressant cordialement la main de Peter. Puissiez-vous jouir longtemps de la petite fortune que vous destinez à notre petite ! et le comte alla rejoindre ses hôtes.

— Peter, lui dit son maître à voix basse, on ne doit jamais parler prématurément de ces choses-là ; ne voyez-vous pas comme elle rougit ? — Ah ! chère Emmy, s’écria-t-il en prenant une des belles pêches qu’elle lui présentait, que vous êtes bonne de penser à votre vieil oncle !

— Milord, dit M. Haughton au comte, Mrs Francis Yves et moi nous avons eu une petite querelle au sujet du bonheur domestique. Elle prétend qu’elle est aussi heureuse au presbytère de Bolton que dans ce superbe château.

— J’espère, dit Francis, que vous n’employez pas votre éloquence à la faire changer d’opinion. Ce ne serait pas lui rendre un grand service.

— Laissez-le faire, mon ami, dit Clara en riant, il aura beau s’évertuer à me convaincre, je connais trop bien mes véritables intérêts pour qu’il puisse jamais y réussir.

— Vous avez raison, dit Pendennyss. Notre bonheur dépend-il donc de la place que nous occupons dans la société ? Lorsque je suis ici, entouré de mes vassaux, il est, je l’avoue, des moments de faiblesse dans lesquels la perte de mon rang et de ma fortune pourrait m’être sensible ; il est si doux de pouvoir faire le bien et d’avoir sous les yeux l’image du bonheur ! Et pourtant, quand je suis à l’armée, soumis à de grandes privations, forcé d’obéir à des hommes qui ont un grade supérieur au mien, entravé dans