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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/76

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John à Clara ; il faut que je la prie de m’accepter pour danseur.

— Vous ne sauriez faire un meilleur choix, mon cher ami, répondit sa sœur en regardant leur jolie cousine, qui, voyant que John s’approchait d’elle, se hâta de détourner la tête d’un autre côté, comme si elle eût cherché quelqu’un, dans l’espoir de cacher une émotion que le soulèvement précipité de son sein trahissait en dépit de ses efforts. Il n’y a rien de plus flatteur pour la vanité d’un homme que d’être témoin du trouble qu’il a fait naître dans le cœur d’une jeune fille, et surtout lorsqu’elle cherche à le dissimuler ; rien n’est aussi touchant, aussi sûr de captiver. John, enchanté, allait lui parler, lorsque la douairière, inspirée par son mauvais génie, vint encore se placer entre eux.

— Oh ! monsieur Moseley, s’écria-t-elle, par pitié pour la santé de Grace, n’allez pas l’engager à danser cette contredanse ; car je sais qu’elle ne peut rien vous refuser, et elle ne s’est pas encore reposée.

— Vos désirs sont des ordres pour moi, madame, dit John froidement ; et, faisant un tour sur le talon, il gagna l’autre bout du salon. Dès qu’il fut hors de l’atteinte de la douairière, il se retourna pour voir l’effet qu’avait produit son brusque départ, et vit qu’elle était aussi rouge et aussi agitée que si, comme sa fille, elle eût dansé toutes les contredanses, tandis que Grace, les yeux fixés sur le parquet, lui parut plus pâle que de coutume. — Oh ! Grace ! pensait John, que vous seriez belle, douce, aimable, parfaite enfin, si… si lady Chatterton n’était pas votre mère ! et courut engager une des plus jolies demoiselles du bal.

Le colonel Egerton, dans une salle de bal, semblait être dans son élément : il dansait avec grâce et vivacité, il connaissait les usages les plus minutieux de la société, et il ne négligeait aucun de ces petits soins qui ont tant de pouvoir sur le cœur des femmes. Jane, entourée de tous ceux qu’elle aimait, qui lui semblaient tous heureux comme elle, ne trouvait ni dans son jugement, ni dans sa raison, une résistance assez forte contre une attraction si puissante ; d’ailleurs la flatterie du colonel était si adroite ! les goûts de Jane étaient les siens, et ses opinions devenaient bientôt les siennes.

Dans les premiers moments de leur intimité ils avaient différé de goût sur un seul point de littérature, et pendant quelques jours le colonel avait soutenu son opinion pour avoir plus de mé-