Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

jours à une sœur qu’elle n’avait vue pour ainsi dire qu’à la dérobée pendant le court séjour qu’elle avait fait chez elle, tant les visites s’étaient succédé, tant il était venu d’importuns rompre, par leurs félicitations et leurs compliments, les délicieux tête-à-tête dans lesquels les deux sœurs avaient tant de choses à se dire.

Mrs Wilson partit avec les deux amies le même jour que la douairière lady Chatterton. Francis et Clara furent charmés de cette visite inattendue, et ils se félicitèrent de voir leur nouvelle demeure se peupler ainsi pour quelque temps de véritables amis.

Le docteur Yves allait tous les ans avec sa femme voir un vieil oncle que ses infirmités retenaient chez lui ; le mariage de son fils leur avait fait différer jusqu’alors cette visite ; ils voulaient tenir compagnie au jeune ménage ; mais, dès qu’ils surent que Mrs Wilson venait s’établir pour une quinzaine de jours chez les nouveaux époux, ils profitèrent de cette occasion pour tenir la promesse qu’ils avaient faite à leur parent.

Le village de B*** se trouva presque désert, par suite de ces départs successifs, et Egerton se vit maître du champ de bataille.

L’été était arrivé, et la campagne déployait tout le luxe de la végétation : c’est alors que la nature semble inviter plus particulièrement aux passions tendres ; le spectacle qu’elle présente de toutes parts plaide éloquemment pour les amants, et lady Moseley, quoique observatrice rigide des convenances, laissait l’intimité qui s’était établie entre Jane et le colonel s’étendre aussi loin que ces convenances pouvaient le permettre.

Cependant le colonel ne s’expliquait pas, et Jane, dont la délicatesse redoutait une déclaration à laquelle il lui faudrait répondre par un aveu non moins sincère, ne lui fournissait pas d’occasions marquées de lui déclarer formellement son amour. Mais, comme ils étaient presque toujours ensemble, sir Edward et son épouse regardaient leur union comme infaillible.

Lady Moseley avait confié si entièrement la plus jeune de ses filles aux soins de Mrs Wilson, qu’elle ne s’occupait guère de son établissement. Elle avait pour sa sœur cette confiance aveugle que les esprits faibles accordent toujours à ceux qui leur sont supérieurs ; et elle approuvait même, sous beaucoup de rapports, un système qu’elle ne se sentait pas la force d’imiter. Malgré son indifférence apparente, son affection pour Émilie n’était pas moins vive que celle qu’elle éprouvait pour ses autres enfants : c’était