Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/95

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même sa favorite et parfois elle voulait intervenir dans les plans d’éducation de sa sœur, mais celle-ci lui rappelait alors leurs conventions, et lady Moseley reprenait aussitôt sa neutralité.

Au bout de cinq ou six jours John commença à trouver fort longue l’absence d’Émilie, et surtout celle de Grace. Malgré les visites continuelles du colonel, l’ennui le gagnait ; il sentait qu’il lui manquait quelque chose. Enfin, un beau matin, il fit mettre les chevaux bais à son phaéton, et, sans rien dire à personne, il se dirigea vers le presbytère de Bolton.

— Bonjour, mon cher John, s’écria Émilie en lui tendant affectueusement la main, et en souriant avec malice, tandis qu’il s’approchait de la fenêtre où elle était assise avec son ouvrage ; comme ces pauvres chevaux sont couverts de sueur ! je vois que vous avez brûlé le pavé. C’est bien aimable à vous de mettre tant d’empressement à venir nous voir.

— Comment se porte Clara ? dit John vivement en baisant la main qu’elle lui présentait ; — et ma tante Wilson ?

— Parfaitement l’une et l’autre ; elles ont profité du beau temps pour aller prendre l’air.

— Comment se fait-il que vous ne les ayez pas accompagnées ? demanda John en promenant un regard distrait dans l’appartement ; êtes-vous restée toute seule ?

— Non, Grace était ici il n’y a qu’une minute. Elle va revenir.

— Je suis venu dîner avec Émilie, reprit-il en s’asseyant au près d’elle, les yeux toujours fixés sur la porte. Il m’a semblé que je devais une visite à Clara, et j’ai trouvé moyen de m’échapper avant l’arrivée du colonel, à qui Jane et ma mère pourront bien, pour cette fois, faire seules les honneurs du château.

— Clara sera bien charmée de vous voir, ainsi que ma tante Wilson, dit Émilie ; quant à moi, mon cher John, j’espère que cela va sans dire.

— Et pensez-vous que Grace me voie arriver avec chagrin ! s’écria John un peu alarmé de son omission.

— Non, certainement ; mais la voici, et elle pourra répondre pour elle-même.

En voyant John, Grace contint l’expression de sa joie, mais sa physionomie respirait tellement la sérénité et le bonheur, qu’Émilie lui dit avec amitié :

— Je savais bien que l’eau de Cologne calmerait votre migraine.