Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/205

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à chaque instant sur le pavillon, qu’il pensait à celle qui était absente, tandis que les deux autres maîtrisaient mieux leurs sentiments ou ressentaient moins d’inquiétude. Une personne qui aurait connu le caractère de ces trois individus, et qui aurait su ce qui s’était passé, aurait pu soupçonner à cette indifférence du patron, et qui présentait un contraste avec l’expression mystérieuse qui animait un visage ordinairement si calme, que le jeune amant songeait moins à l’héritage du vieux Étienne de Barberie qu’au secret plaisir qu’il avait trouvé dans les incidents singuliers dont il avait été le témoin.

— Propriété et discrétion ! observa le bourgeois, en réponse à une remarque qui lui avait été faite par un des jeunes gens ; je vous dis encore, pour la vingtième fois, qu’Alida de Barberie reviendra parmi nous, aussi belle, aussi innocente, aussi riche que jamais !… Peut-être je devrais ajouter aussi obstinée ; un enfant gâté, pour faire enrager son vieil oncle et deux honorables amants pour son étourderie ! Les circonstances, Messieurs, ajouta le prudent marchand, qui voyait bien que la main dont il avait à disposer avait un peu baissé de prix dans le marché, vous ont placés sur un terrain égal dans mon estime. Si ma nièce, après tout, préférait le capitaine Ludlow pour associé dans le commerce de la vie, cela n’affaiblirait pas l’amitié qui existe entre le fils du vieux van Staats et Myndert van Beverout. Nos grand-mères étaient cousines, et l’on se doit affection mutuelle quand on est du même sang.

— Je ne puis continuer à offrir mes hommages à votre nièce, répondit le patron, puisqu’elle m’a fait entendre si clairement qu’ils ne lui sont pas agréables.

— Entendre ! Appelez-vous ce caprice d’un moment, ce badinage, ce jeu, comme le capitaine dirait, avec vents et marée, vous faire entendre ? La jeune fille a du sang normand dans les veines, et elle désire donner plus de vivacité à vos hommages. Si les marchés étaient interrompue parce que l’acheteur veut avoir les marchandises à meilleur marché, et parce que le vendeur affecte d’attendre un meilleur moment pour vendre, Sa Majesté ferait aussi bien de fermer les douanes tout d’un coup et de chercher ailleurs des revenus. Laissez le caprice de la jeune fille avoir son cours, et je parie mes bénéfices sur les fourrures pendant un an, contre ton revenu, que nous la verrons se repentir de sa folie et