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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/206

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consentir à entendre raison. La fille de ma sœur n’est point une sorcière pour voyager de par le monde sur un manche à balai.

— Il y a dans notre famille une tradition, dit Oloff van Staats, dont les yeux brillaient d’un secret plaisir, tandis qu’il affectait de rire de la folie qu’il racontait, une tradition que le fameux devin Poughkeèpsie fit en présence de ma grand-mère, et qui dit qu’un patron de Kinderhook épouserait une sorcière. Ainsi, si je voyais la belle Alida dans l’attitude que vous venez de décrire, je ne serais pas très-alarmé.

— La prophétie fut accomplie au mariage de ton père ! murmura Myndert qui, malgré la légèreté apparente avec laquelle il traitait ce sujet, éprouvait un certain respect pour les sorciers de la province, dont la haute réputation se conserva jusqu’à la fin du dernier siècle ; sans cela son fils n’eût pas été un jeune homme si accompli ! Mais voilà le capitaine Ludlow qui regarde l’Océan comme s’il espérait que ma nièce sortît des flots sous la forme d’une sirène.

Le commandant de la Coquette indiqua l’objet qui captivait ses regards, et qui, par la manière dont il se montrait en ce moment, n’était pas de nature à affaiblir la foi de ses compagnons aux pouvoirs surnaturels.

Nous avons dit que le vent était sec, et l’atmosphère nébuleuse ou plutôt chargée d’une vapeur légère qui avait l’apparence d’un nuage de fumée. Par un tel temps l’œil d’une personne qui se trouve sur une élévation, ne peut distinguer ce qu’on appelle en mer l’horizon visible. Les deux éléments deviennent si étroitement unis que nos regards ne peuvent plus deviner où l’eau finit, et où le vide des cieux commence. Il en résulte une conséquence, c’est que tous les objets qui sont aperçus au-delà des limites apparentes de l’eau, semblent flotter dans les airs. Il est rare que les yeux d’un homme habitué à vivre sur terre, puissent pénétrer au-delà des limites factices de la mer, lorsque l’atmosphère est dans un état semblable, quoique l’œil expérimenté d’un marin découvre souvent des vaisseaux, qui sont cachés à des regards moins habiles, simplement parce qu’on ne les cherche pas où ils sont. Cette illusion peut aussi être aidée par un léger degré de réfraction.

— Là, dit Ludlow en montrant une ligne qui aurait pénétré dans l’eau à deux ou trois lieues au large. D’abord amenez la