Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/223

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bâtiment qui semblait si bien connaître toutes les ruses de la mer.

Vers minuit, lorsque les quarts furent changés et que tout l’équipage, à l’exception des plus paresseux, fut sur le pont, Ludlow donna l’ordre d’apprêter les chaloupes et de les mettre à la mer. Cette opération, qui présente autant de difficulté que de fatigue dans les bâtiments où l’équipage est peu nombreux, fut promptement accomplie à bord d’un croiseur de la reine, à l’aide des vergues et des palans d’étais, qui furent mis en mouvement par la force de cent matelots. Lorsque quatre de ces petits bâtiments furent à la mer, leurs équipages se préparèrent à un service sérieux. Des officiers sur lesquels Ludlow pouvait compter reçurent le commandement des trois plus petits ; il se chargea de diriger en personne le quatrième. Lorsque tout fut prêt et que chaque matelot eut reçu ses instructions spéciales, les chaloupes quittèrent les flancs du croiseur, voguant en lignes divergentes dans l’obscurité de l’Océan. Le bateau de Ludlow ne s’était pas éloigné de plus de cinquante brasses avant que le jeune commandant ne s’aperçût de l’inutilité de cette chasse, car l’obscurité de la nuit était si profonde, que les espars de son propre vaisseau étaient presque invisibles. Après s’être dirigé par la boussole pendant dix ou quinze minutes dans le vent de la Coquette, le jeune capitaine ordonna à son équipage de cesser de ramer, et se prépara à attendre patiemment le résultat de son entreprise.

Rien ne varia pendant une heure la monotonie d’une telle scène, si l’on excepte le roulis régulier d’une mer qui était peu agitée, quelques coups d’avirons qui étaient donnés à différents intervalles pour retenir les chaloupes à la même place, et la respiration pesante de quelques-uns des plus petits poissons appartenant à la classe des cétacées, et qui s’élevaient à la surface de l’eau pour humer l’air ; rien n’était visible sur aucun point du ciel. Pas une étoile ne se montrait pour égayer la monotonie et le silence de ce lieu solitaire. Les matelots s’appuyaient sur leurs avirons, et notre jeune héros allait abandonner son entreprise, quand un bruit soudain se fit entendre à un faible distance. C’était un de ces sons inexplicables pour tout autre que pour un marin, mais qui avait autant de signification aux oreilles de Ludlow, que des paroles peuvent en avoir pour un homme de la terre ferme. Un son sourd fut suivi par le frottement d’une corde, comme si elle eût touché un corps dur ou bien tendu. On entendit