Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/237

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— L’homme qui est à la poupe est cet audacieux qui osa se montrer à bord de la Coquette, et il semble là aussi à son aise qu’il l’était ici !

— Ce coquin a un air marin qui m’avait charmé, et lorsqu’il vint à bord, je croyais que la reine avait fait une prise. Vous avez raison, Monsieur, de le nommer audacieux ! L’impudence de cet homme détruirait la discipline de toute la compagnie d’un vaisseau, quand elle ne serait composée que d’officiers et de prêtres. Il prenait autant de place en se promenant sur le gaillard d’arrière, qu’un vaisseau de quatre-vingt-dix sur mer, et la pomme n’est pas mieux enfoncée sur le mât de perroquet, que son chapeau ne l’était sur sa tête. Cet homme n’a aucun respect pour un pavillon ! Je m’arrangeai en changeant de place les pavillons au soleil couchant, pour effleurer la joue de cet audacieux par manière d’avis, et il le prit comme un Hollandais considère un signal… c’est-à-dire comme une question à laquelle on doit répondre dans le quart suivant. Un voyage fait sur le gaillard d’arrière d’un vaisseau de guerre ferait de ce coquin un philosophe et le rendrait propre à toute société, excepté celle des anges.

— On monte un nouveau boute-hors, s’écria Ludlow en interrompant le discours du contre-maître. Il est dirigé vers la terre.

— Si ces bouffées deviennent de plus en plus fortes, reprit le contre-maître, dont les opinions sur le brigantin variaient avec les sentiments de sa profession, nous l’aurons à notre loisir, et nous pourrons essayer ses talents. La mer a un point vert du côté du vent, et il y a de forts symptômes de rafales sur les vagues. On pourrait presque voir le monde supérieur avec un air comme celui-ci. Les vents du nord balaient les brouillards de l’Amérique, et rendent la mer et la terre aussi brillantes que le visage d’un jeune écolier avant que les premières larmes l’aient obscurci. Vous avez voyagé dans les mers du sud, capitaine Ludlow, car nous étions compagnons parmi les îles, il y a quelques années ; mais je ne sais pas si vous avez traversé le détroit de Gibraltar et vu l’eau bleue qui entoure les montagnes de l’Italie ?

— J’ai fait une croisière contre les États barbaresques, lorsque j’étais presque enfant, et d’autres devoirs nous amenèrent vers les terres du nord.

— Ah ! c’est de ces terres du nord que je veux parler. Il n’y a pas un pouce de ce terrain, depuis le roc à l’entrée jusqu’au