Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/241

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C’est relativement à cette différence de pouvoir, et au mystère qui enveloppe le travail de l’atmosphère, que les matelots de tous les siècles ont conçu des croyances superstitieuses. Il y a toujours plus ou moins des résultats de l’ignorance dans la manière dont ils envisagent les changements de cet élément capricieux. Les marins de nos jours ne sont pas entièrement exempts de cette faiblesse. Le mousse étourdi est réprimandé lorsqu’il fait entendre ses chants quand le vent siffle, et l’officier manifeste quelquefois un sentiment de malaise, lorsque dans de semblables moments il est témoin de quelques violations des opinions adoptées dans son état. Il se trouve dans la position de celui qui a été bercé par des légendes surnaturelles, que l’instruction condamne, et qui, lorsqu’il se trouve placé dans des circonstances propres à éveiller ses souvenirs, est obligé d’appeler la raison à son secours pour apaiser une émotion dont il désapprouve la cause.

Lorsque Trysail dirigea l’attention de son jeune commandant vers le ciel, il était guidé plutôt par l’intelligence d’un marin expérimenté que par une de ces superstitions auxquelles nous venons de faire allusion. Un nuage avait subitement paru sur l’eau, et de longues parcelles de vapeurs s’en détachaient de manière à lui donner ce que les marins appellent une apparence de vent.

— Nous en aurons plus que nous n’en avons besoin avec ces voiles, dit le contre-maître, lorsqu’il eut, ainsi que son capitaine, étudié cette espèce de brouillard. Ce vent est l’ennemi mortel des voiles hautes, il n’aime à voir que des mâts nus dans son voisinage.

— Je crois que sa présence va forcer le brigantin à raccourcir ses voiles, répondit le capitaine. Nous tiendrons sur un cordage jusqu’au dernier moment, et cela lui sera impossible, ou la rafale l’atteindra trop subitement pour un vaisseau où l’on a si peu de bras.

— C’est l’avantage d’un croiseur, et cependant le coquin n’a pas l’apparence de vouloir baisser une seule voile.

— Nous allons faire attention à nos propres espars, dit Ludlow en se tournant vers le lieutenant de quart. Appelez les matelots, Monsieur, et disposez tout pour ce nuage qui s’approche.

Après cet ordre, on entendit la voix enrouée du maître de l’équipage, faisant précéder l’effort de ses poumons par un son