Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aigre, et donnant son signal au-dessus des écoutilles du vaisseau. Le cri, Tout le monde sur le pont pour raccourcir les voiles ! amena bientôt les matelots de toutes les profondeurs du vaisseau sur le pont supérieur. Chaque matelot expérimenté prit sa place en silence ; et lorsque les cordages furent retirés, et les préparatifs nécessaires terminés, tous attendirent silencieusement les sons qu’allait faire entendre le premier lieutenant, à l’aide de son porte-voix.

La supériorité des manœuvres qu’un vaisseau de guerre possède sur un vaisseau marchand provient de différentes causes. La première est la construction de la carène, qui est, dans l’un, calculée autant que les règles de l’architecture navale le permettent, dans le double but de la rapidité et de la légèreté ; tandis que, dans l’autre, le désir du gain induit à sacrifier cet objet important, afin que le vaisseau puisse contenir plus de marchandises. Vient ensuite la différence dans la manière dont ils sont gréés ; les agrès étant plus carrés et plus hauts dans un vaisseau de guerre que dans un vaisseau marchand, parce que l’équipage plus nombreux du premier peut manœuvrer des espars et des voiles beaucoup plus lourdes que celles dont on se sert dans le dernier. On peut encore parler de la promptitude avec laquelle un croiseur ploie et déploie ses voiles, puisqu’un vaisseau manœuvré par cent ou deux cents hommes peut profiter en sûreté de la brise jusqu’au dernier moment, tandis qu’un autre qui n’a qu’une douzaine de matelots à sa disposition perd souvent des heures d’un vent favorable à cause de la faiblesse de l’équipage. Cette explication suffira pour faire comprendre au lecteur qui n’est point initié aux mystères de la marine, la raison pour laquelle Ludlow avait espéré que la rafale qui s’approchait favoriserait ses desseins sur le brigantin.

Pour nous exprimer dans un langage nautique, la Coquette tint bon sur un cordage jusqu’à la fin. De larges bandes de vapeurs tourbillonnaient dans l’air, à une proximité effrayante des voiles hautes et légères, et l’écume de la mer venait si près du vaisseau qu’elle effaçait son sillage, lorsque Ludlow, qui avait surveillé les progrès du vent avec un calme parfait, fit signe à son subordonné que l’instant convenable était arrivé.

— À bas les voiles ! cria le lieutenant. — Cet ordre suffit à des officiers et à un équipage qui connaissaient leur devoir.