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Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/345

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Porte d’Enfer, et donnait ses ordres à ceux qui étaient au-dessous de lui avec une promptitude et une précision qui auraient fait honneur au commandant de la Coquette lui-même. Mais lorsque sa vue put embrasser l’immense étendue d’eau qui était devant lui, tandis que son petit bâtiment tournait autour de la pointe de terre de Throgmorton, il crut qu’il n’existait plus de causes pour une si grande vigilance. Cependant, il avait des motifs d’hésitation. Un bâtiment côtier lourd, et naviguant avec lenteur, voguait à l’ouest, à environ une lieue en avant du brigantin, tandis qu’un léger sloop habitué à ces mers venait de l’ouest à une plus grande distance. Quoique le vent fût favorable à tous les deux, l’un et l’autre avaient dévié de la ligne droite, et manœuvraient vers un centre commun, près d’une île qui était située plus d’un mille au nord du chemin droit. Un marin comme le contrebandier ne laissa pas échapper cet incident sans en faire son profit. La Sorcière des Eaux se tint à l’écart. Ses voiles légères furent baissées, afin de permettre au royal croiseur, dont les voiles hautes étaient tout à fait visibles au-dessus de la terre, de s’approcher. Lorsque la Coquette divergea, il ne resta plus de doutes sur la route qu’il était utile de prendre, et tout fut promptement prêt sur le brigantin, jusqu’aux bonnettes. Longtemps avant qu’il atteignît l’île, les deux côtiers s’étaient joints, et ils changèrent de nouveau de chemin ; l’un reprit la route que l’autre venait de parcourir, le second en fit autant. Il y avait dans ces mouvements l’explication la plus claire qu’un marin pût désirer, qu’ils avaient suivi le bon chemin. En atteignant l’île, ils flottèrent de nouveau dans le sillage du schooner, et, ayant presque traversé la nappe d’eau, ils dépassèrent le côtier, recevant en parole l’assurance qu’il n’existait plus devant eux aucun obstacle.

Tel fut le fameux passage de l’Écumeur à travers les dangers nombreux et cachés de ce canal oriental. Ceux qui l’ont suivi pas à pas au milieu de ses inquiétudes et de ses alarmes, ne doivent rien trouver d’extraordinaire dans cet événement. Mais grâce à la réputation déjà bien établie du hardi marin, et aux opinions superstitieuses d’un siècle où les hommes étaient plus disposés qu’aujourd’hui à mettre leur confiance dans le merveilleux, le lecteur ne sera pas surpris d’apprendre que ce voyage augmenta grandement la réputation de la Sorcière des Eaux, et qu’on sup-