Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/360

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les murs de la rue Basse-du-Rempart[1], comme un des plus brillants et des plus aimables entre les hommes qui fréquentaient les premiers, et un des plus braves et des plus habiles parmi les aventuriers qui se fiaient à leur adresse dans la rue que nous venons de citer. Son rang et son influence à Versailles avaient procuré au jeune chevalier Dumont de la Rocheforte un commandement auquel il n’aurait eu aucun droit par son expérience et ses services. Sa mère, proche parente d’une des beautés de la cour, avait été prendre les bains de mer, suivant l’ordre de son médecin, pour échapper aux dangers de la morsure d’un petit bichon. Comme épisode des longues descriptions qu’elle avait l’habitude d’écrire à ceux dont les connaissances nautiques se bornaient au spectacle de quelques fossés et de quelques pièces d’eau remplies de carpes, ou à celle de quelque bras vaseux de la Seine, elle avait voué son plus jeune fils à Neptune. En temps convenable, c’est-à-dire pendant que cette fantaisie poétique était dans toute la force de son accès, le jeune chevalier fut enrôlé, et longtemps avant que cet avancement eût pu être régulier et judicieux, il eut le commandement de la corvette en question et fut envoyé dans les Indes conquérir de la gloire pour lui et pour son pays.

Le chevalier Dumont de la Rocheforte était brave, mais il n’avait pas ce calme et cet empire sur soi-même, principal mérite d’un marin. Son courage participait de son caractère ; il était bouillant, impétueux et irréfléchi. Il avait la fierté d’un gentilhomme, et malheureusement pour le devoir qu’il remplissait alors pour la première fois, son orgueil le portait à mépriser cette espèce de connaissance mécanique qu’il eût été si important au commandant de la Fontange de posséder en ce moment. Il dansait admirablement, faisait les honneurs de sa cabine avec une élégance parfaite, et avait causé la mort d’un excellent marin, tombé du vaisseau à la mer, par accident, parce qu’il sauta après lui pour aller à son secours, sans avoir aucune connaissance de la natation, ce qui fit qu’on fut obligé de sauver le chef au lieu de s’occuper de son inférieur. Il composait fort joliment des vers, et avait quelque idée de la nouvelle philosophie qui commençait alors à se répandre dans le monde ; mais les cordages de son vais-

  1. L’allusion sera aisément comprise par tous ceux à qui l’histoire de Paris est familière. À l’époque où nous reporte ce roman, tous les duels avaient lieu sous les remparts.