Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/362

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prise, il découvrit une pyramide de voiles s’élevant au-dessus de la mer dans la direction du vent. Les voiles étaient visibles à l’œil nu et n’avaient jusque-là échappé à l’observation que par l’urgence des devoirs du moment. Appelant le contre-maître près de lui, il lui demanda son opinion sur le caractère de ce second étranger. Mais Trysail confessa que, malgré sa longue expérience, il lui était impossible de dire rien de plus, sinon que c’était un vaisseau courant devant le vent avec un nuage de voiles déployées. Cependant, après un second et plus long examen, le vieux marin crut pouvoir ajouter que le vaisseau étranger avait la carrure, la symétrie d’un croiseur ; mais de quelle dimension ? c’était ce qu’il ne pouvait assurer.

— Ce peut être un vaisseau léger ayant ses grandes voiles de perroquet et ses bonnettes déployées, ou peut-être ne voyons-nous que les toiles hautes de quelque lourd bâtiment, capitaine Ludlow. — Ah ! le Français l’aperçoit aussi, car la corvette a des signaux au loin.

— Prenez votre lunette. Si l’étranger répond, nous n’avons pas autre chose à faire que de fuir.

On examina de nouveau et avec attention les espars les plus élevés du bâtiment éloigné ; mais la direction du vent empêchait qu’aucuns signes de communication avec la corvette fussent visibles. La Fontange parut également incertaine du caractère de l’étranger, car pendant un moment il sembla évident qu’elle avait l’intention de changer sa course. Mais ce moment d’indécision dura peu. Les vaisseaux voguaient déjà en travers l’un de l’autre, leurs voiles pressées constamment par la brise.

— Apprêtez-vous, mes amis ! dit Ludlow d’une voix basse mais ferme, et, conservant sa position élevée sur la poupe, tandis qu’il ordonnait à son contre-maître de retourner sur le pont principal ; — faites feu lorsque vous verrez la lueur des canons de l’ennemi.

Un moment d’attente générale suivit. Les deux gracieux bâtiments s’avancèrent avec calme jusqu’à portée de la voix. Le silence était si profond sur la Coquette, que tous ceux qui étaient sur son bord pouvaient entendre le mugissement de l’eau qui s’amassait sous son avant, et qu’on aurait pu comparer à la respiration pesante de quelque énorme animal qui rassemblait toute son énergie pour un effort inaccoutumé ; d’un autre côté le bruit