Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/367

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

son ennemi, dont les voiles portaient toutes, et elle se trouva bientôt en position de brasser ses vergues d’avant vigoureusement en arrière, dans une direction opposée à celle qu’elle venait de quitter ; ses flancs touchèrent la poupe de la Fontange, le dernier grappin fut dégagé, et les vaisseaux se séparèrent.

L’esprit qui avait présidé aux évolutions de la Coquette gouvernait toujours ses mouvements. Les voiles étaient brassées, le vaisseau obéissait au gouvernail ; et avant que les deux bâtiments eussent été séparés cinq minutes, les manœuvres de la Coquette avaient repris leur train accoutumé.

Des gabiers agiles étaient sur les vergues, et de larges plis d’une toile neuve flottaient au gré de la brise, car on tendait de nouvelles voiles. Les cordes furent jointes par leurs bouts, ou remplacées par de nouveaux cordages, les espars examinés ; enfin on n’oublia aucun des soins et des précautions nécessaires à la sûreté du vaisseau. Chaque espar fut assujetti, les pompes sondées, et le vaisseau continua son chemin, comme s’il n’eût jamais fait feu ni reçu des boulets.

D’un autre côté, la Fontange avait l’apparence d’un vaisseau vaincu. Il régnait sur son bord la plus grande confusion. Ses voiles déchirées volaient en désordre, plusieurs cordages importants battaient contre ses mâts, et le vaisseau lui-même voguait devant la brise comme un bâtiment naufragé. Pendant plusieurs minutes, il n’y eut aucun commandement sur le vaisseau, et lorsqu’on eut perdu un temps précieux qui donna au croiseur anglais l’avantage du vent, l’équipage de la Fontange fit une tardive tentative pour relever le vaisseau. Le plus haut et le plus important de ses mâts trembla un instant, puis il tomba avec bruit dans la mer.

Malgré l’absence d’une grande partie de ses matelots, le succès de la Coquette eût été certain, si la présence de l’étranger n’eût forcé Ludlow à abandonner son avantage. Mais les conséquences en étaient trop positives pour qu’il pût se permettre autre chose qu’un regret bien naturel de ne pas profiter d’une occasion si favorable. Le caractère du vaisseau qui s’approchait ne pouvait pas être méconnu plus longtemps. Tous les matelots de la Coquette reconnaissaient les voiles hautes et étroites, les mâts élevés et amincis par le haut et les courtes vergues de la frégate dont la carène était alors distinctement visible, comme un habitant de la