Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/368

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terre ferme reconnaît un individu à ses traits et à son costume. S’il y eût eu quelques doutes à ce sujet, ils auraient tous cédé la place à la certitude, lorsqu’on vit l’étranger échanger des signaux avec la corvette brisée.

Il était temps que Ludlow prît une prompte détermination. La brise tenait toujours au sud, mais elle commençait à faiblir, et, suivant toute apparence, elle devait tomber avant la nuit. La terre était à quelques lieues au nord, et l’on n’apercevait rien en mer, à l’exception des deux croiseurs français. Descendant sur le gaillard d’arrière, il s’approcha du contre-maître, qui était assis sur une chaise tandis que le chirurgien pansait une blessure assez grave qu’il avait à la jambe. Serrant amicalement la main au vieux marin, il lui exprima sa reconnaissance pour les services qu’il avait rendus dans un moment si pénible.

— Dieu vous bénisse ! capitaine Ludlow, répondit celui-ci ; les combats sont les plus sûrs moyens pour éprouver les vaisseaux et les amis ; et, Dieu soit loué ! la reine Anne peut se féliciter des uns et des autres aujourd’hui. Aucun matelot n’a oublié son devoir, autant que mes yeux ont pu me l’apprendre, et ce n’est pas dire peu de chose avec un équipage réduit de moitié et un ennemi une fois plus fort que nous ! Quant au vaisseau, il ne s’est jamais mieux conduit. J’avais un triste pressentiment lorsque je vis la grande voile de perroquet se déchirer comme un morceau de mousseline entre les mains d’une couturière. — Courez en avant, monsieur Hopper, et dites aux matelots dans les agrès d’avant de donner un tour à ce hauban ; ayez soin de tirer également tous les haubans ; — c’est un jeune homme actif, capitaine Ludlow, il ne lui manque qu’un peu plus de réflexion, un peu plus d’expérience et une pointe de modestie. Avec les talents qu’il acquerra petit à petit dans la marine, on pourra en faire un officier passable.

— Ce jeune homme promet ; mais je suis venu demander votre avis, mon vieil ami, sur ce qu’il nous reste à faire : il n’y a aucun doute que le bâtiment qui arrive sur nous ne soit une frégate française.

— On pourrait aussi bien douter de la nature d’un hameçon, qui est destiné à attraper tout le fretin et à laisser échapper le gros poisson. Nous pourrions lui montrer nos voiles, et essayer de la pleine mer ; mais je crains que ce mât de misaine ne soit trop