Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/387

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

fois… des bouffées de vent bien fortes… la nuit… dans les Amériques !

À ces mots entrecoupés succéda le dernier soupir, puis le long silence de la mort. On transporta le corps sur la poupe, et Ludlow, le cœur triste, se donna tout entier aux devoirs que cet accident rendait plus impérieux encore.

Malgré la perte énorme qu’avait faite la Coquette et la faiblesse primitive de l’équipage, on déploya promptement les voiles, et le vaisseau vogua en silence comme s’il eût regretté ceux qui étaient morts sur son bord. Lorsque le bâtiment fut tout à fait en mouvement, le capitaine monta sur la poupe, afin d’avoir une vue plus étendue de l’horizon, et afin de réfléchir à ce qui lui restait à faire. Il trouva qu’il avait été prévenu par le contrebandier.

— Je dois mon vaisseau, dit-il, et je puis ajouter ma vie, puisque dans un tel tumulte l’existence de l’un tenait à celle de l’autre, je les dois, dis-je, à ton secours ! Sans toi, la reine Anne aurait perdu un croiseur, et le pavillon d’Angleterre une partie de sa gloire si bien acquise.

— Puisse ta royale maîtresse être aussi prompte à se rappeler ses amis dans des circonstances comme celles où je me trouve ! En vérité, il y avait peu de temps à perdre, et croyez que nous nous connaissons en danger. Si nous avons un peu tardé, c’est que nous avions à porter des canots pendant une certaine distance, car la terre sépare mon brigantin de la mer.

— Celui qui est venu si à propos et s’est conduit avec tant de bravoure n’a pas besoin de s’excuser.

— Capitaine Ludlow, sommes-nous amis ?

— Cela ne peut être autrement. Toute considération inférieure s’efface devant un tel service. Si vous avez l’intention de continuer votre commerce illégal sur cette côte, il faut que je cherche une autre station.

— Il n’en sera point ainsi. Restez pour faire honneur à notre pavillon et au pays qui vous a vu naître. J’ai décidé il y a longtemps que ce serait la dernière fois que la quille de la Sorcière des Eaux sillonnerait les mers d’Amérique. Avant de vous quitter, je voudrais avoir une entrevue avec le marchand. J’espère qu’il ne lui est arrivé aucun accident ?

— Il a montré l’impassibilité de son origine hollandaise ; pendant l’abordage, il nous a été aussi utile qu’il était calme.