Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/416

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parut combattre un instant avec le nouveau sentiment qui s’emparait de lui, mais la nature parlait trop puissamment à son âme pour qu’il pût méconnaître sa voix. Appelant son enfant avec force, l’alderman pencha sa tête sur l’épaule de sa fille, et pleura. Il eût été difficile de suivre les émotions du contrebandier pendant qu’il contemplait cette scène. La méfiance, le malaise, et enfin la mélancolie se montrèrent dans ses regards. Ce dernier sentiment semblait prévaloir lorsqu’il quitta l’appartement, comme s’il eût réfléchi qu’un étranger n’avait pas le droit d’être témoin de cette scène de famille.

Deux heures plus tard, les principaux personnages de cet ouvrage étaient rassemblés sur les bords du Cove, à l’ombre d’un chêne qui semblait aussi vieux que le continent. Le brigantin était en vue, et montrait quelques voiles ; il allait et venait sur le petit bassin, ressemblant par l’aisance et la grâce de ses mouvements à quelque beau cygne se jouant sur les ondes et n’ayant d’autre guide que son instinct. Un bateau venait de toucher la terre, et l’Écumeur de mer se tenait auprès, étendant une main pour aider le jeune Zéphire à descendre.

— Nous autres sujets des éléments, nous sommes esclaves de la superstition, dit-il lorsque le pied léger de l’enfant toucha la terre. C’est la conséquence d’une existence qui présente sans cesse des dangers supérieurs à nos pouvoirs. Pendant bien des années, j’ai cru que quelque grand bien ou quelque grand mal accompagnerait la visite de cet enfant à terre. Voilà la première fois que son pied touche la terre ferme. J’attends l’accomplissement de l’augure !

— Il sera heureux, répondit Ludlow. Alida et Eudora l’instruiront des habitudes de cette simple et heureuse contrée, et je suis persuadé qu’il fera honneur à leurs leçons.

— Je crains que l’enfant ne regrette celles de la dame Vert-de-Mer. Capitaine Ludlow, il y a encore un devoir à remplir que je ne dois pas négliger, quoique vous ne soyez peut-être pas disposé à croire à la délicatesse de mes sentiments. J’ai entendu dire que la belle Barberie avait accepté votre main ?

— Tel est mon bonheur.

— En ne demandant aucune explication du passé, Monsieur, vous avez montré une noble confiance qui mérite d’être récompensée. Lorsque je vins sur cette côte, c’était avec l’intention d’établir les droits d’Eudora à la protection et à la fortune de son père. Si je me défiais de l’influence qu’une personne aussi belle et